Episode Transcript
[00:00:00] Speaker A: La surprise du moment où t'as su que t'étais sélectionné. Tu t'en souviens de cette surprise ?
[00:00:04] Speaker B: Ah oui, alors... C'était vraiment un moment très original pour moi. Logistiquement parlant, c'était assez improbable. En fait, j'étais dans un TER.
[00:00:17] Speaker A: OK.
[00:00:18] Speaker B: Et ça captait à peine. Et je vois un numéro que je ne connais pas et je me dis, bon, à moitié du réseau, c'est complètement bête, je ne vais pas répondre.
[00:00:26] Speaker A: Je rappellerai.
[00:00:27] Speaker B: Et puis, finalement, je ne sais pas pourquoi, je décroche.
Et là, arrivait ce qui devait arriver quand il n'y a pas de réseau. C'est Allô ? Oui, mais c'est qui ? Jusqu'à ce que je comprenne. J'entendais à moitié le nom et puis jusqu'à quand même. DG de l'ESA.
[00:00:46] Speaker A: Aujourd'hui dans Elles font l'espace, je reçois l'astronaute Sophie Adnaud. Avec Sophie, on parle de sa surprise à l'annonce de la sélection, on parle de comment se préparer à des événements inattendus, on parle du métier d'astronaute bien sûr, et même un petit peu de yoga. Bonjour Sophie.
[00:01:04] Speaker B: Bonjour Jules.
[00:01:05] Speaker A: Ça fait plaisir de se retrouver dans ce studio ici tous les deux.
[00:01:09] Speaker B: Oui, un plaisir partagé, merci.
[00:01:11] Speaker A: Depuis cette fameuse annonce de la sélection de l'ESA, où on t'a annoncé comme l'astronaute française de l'ESA, la nouvelle, en 2022, ta vie a changé depuis ce jour-là ?
[00:01:24] Speaker B: Oui, clairement. Clairement, il y a eu un petit virage à 180. Alors, il y a plein de choses qui n'ont pas changé. La Sophie, elle reste elle-même et elle reste avec ses valeurs, elle reste avec sa vision de la vie, à vouloir être optimiste et partager les choses. Mais en même temps, c'est vrai que c'est un petit tsunami quand même. Je dirais que devenir astronaute, c'est plus que...
C'est plus que changer de métier, en fait. C'est même pas un métier, c'est un lifestyle. Ça va au-delà de ce qu'on peut imaginer parce qu'il y a beaucoup de choses qui nous dépassent. Et en même temps, le quotidien, il est très concret. Donc voilà, c'est un mix de tout ça. Oui, c'était une sacrée étape.
[00:02:11] Speaker A: Et la première fois qu'on s'est vus, c'était pendant la sélection.
[00:02:14] Speaker B: Oui.
[00:02:15] Speaker A: Puisque je faisais partie du jury de sélection.
[00:02:19] Speaker B: Je me souviens bien.
[00:02:20] Speaker A: Tu es arrivée dans la dernière étape, en tout cas, une des dernières étapes cruciales de cette sélection. Pour nous, le jury, c'était très intimidant aussi.
[00:02:31] Speaker B: Ah bon ?
[00:02:31] Speaker A: Ouais, parce que si tu veux, on avait des gens dont on savait qu'ils avaient déjà passé un an, même plus d'un an dans cette sélection. Et tu vas me dire, mais je m'imaginais toujours les candidats arrivés qui avaient commencé à s'inscrire dans cette sélection. Et puis, peut-être qu'on n'en parle pas à tout le monde.
[00:02:50] Speaker B: Effectivement.
[00:02:51] Speaker A: Et puis au bout de quelques mois, on passe les étapes les unes après les autres et puis on en parle un petit peu plus à droite à gauche. Je me disais ça y est, c'est la dernière. Ils savent qu'ils sont plus que 50. Tout le monde doit être au courant, tous les proches doivent être au courant. Là, ça peut être la fin de l'aventure. Donc c'était aussi assez intimidant pour nous ce moment là. Toi, tu t'attendais à quoi ?
[00:03:12] Speaker B: En fait, j'essayais de ne pas trop m'attendre à des choses. Je me préparais de manière large sur beaucoup de questions. J'ai passé des heures à essayer d'imaginer les questions et je me disais, tiens, si j'étais jury, qu'est-ce que je pourrais poser comme question, etc. Et surtout, je me préparais à la surprise.
Et parce que je voulais pas que si jamais j'étais surprise par une question, je voulais pas découvrir l'effet de surprise, en fait, comme ça. Donc, je me préparais à être surprise. Et des fois, je demandais à des gens, mais complètement random. Bon, pose moi une question qui va me surprendre. Juste pour apprendre à réagir à la surprise.
[00:03:57] Speaker A: C'est comme ça qu'on se prépare à la surprise, finalement.
[00:03:59] Speaker B: En tout cas, ça fait partie de mes techniques de préparation.
[00:04:03] Speaker A: OK. Et la surprise du... La surprise du moment où tu as su que tu étais sélectionnée. Tu t'en souviens de cette surprise ?
[00:04:14] Speaker B: Ah oui, alors... C'était vraiment un moment très original pour moi. Logistiquement parlant, c'était assez improbable. En fait, j'étais dans un TER.
[00:04:27] Speaker A: OK.
[00:04:27] Speaker B: Et ça captait à peine. Et je vois un numéro que je connais pas.
Bon, et en fait, quand on passe à la sélection, même quand on arrive en courte finale, on ne sait pas quand la réponse va tomber. Donc, après, on vit sa vie aussi. On passe un peu à autre chose. C'est une manière aussi de se protéger. Moi, je ne voulais pas être dans l'attente en permanence. Donc, je me dis bon. Et je me donnais exprès des échéances très lointaines. Ça tombera dans six mois, quoi.
En fait, c'était juste une manière de me dire je ne vais pas attendre. Donc, ce jour-là, dans le train, pas de réseau très approximatif. Je vois un numéro que je ne connais pas et je me dis bon, à moitié du réseau, c'est complètement bête, je ne vais pas répondre.
[00:05:12] Speaker A: Je rappellerai.
[00:05:13] Speaker B: Et puis finalement, je ne sais pas pourquoi, je décroche. Et là, arrivait ce qui devait arriver quand il n'y a pas de réseau, c'est Allô ? Oui, mais c'est qui ? Jusqu'à ce que je comprenne, alors j'entendais à moitié le nom. Et puis jusqu'à combien ? Dégé de lézard. Oup ! Mon cœur en a fait qu'un tour. Bon, en fait, après...
Et après la conversation, j'ai vite compris que c'était pour ça. Mais la conversation a coupé court parce que j'ai dit, excusez-moi, Monsieur le DG, peut-être que vous ne m'entendez pas, mais ça risque de couper parce que je suis dans le train et en plus, je ne pouvais pas parler fort, il y avait des gens autour. Les gens autour, ils ont dû voir ma tête, ça a dû être un beau spectacle. Et donc, il a quand même eu le temps de me sortir le truc. Comme il a compris qu'on s'entendait pas très bien, il a aussi coupé court à la conversation et on a raccroché. Et là, je me suis retrouvée dans le train à me dire, mais quand je descends du train, c'est plus la même trajectoire. Bientôt, je vais remonter dans un autre train pour aller à côté.
[00:06:16] Speaker A: Littéralement. Littéralement, tu changes de voie, quoi.
[00:06:19] Speaker B: Waouh ! Et donc, voilà, ça a tout s'accumuler entre le réseau, le machin, la douceuse. Ça a fait un drôle d'effet.
[00:06:26] Speaker A: Et t'étais toute seule dans ce train, tu voyais tout seul ?
[00:06:28] Speaker B: Ouais, j'étais toute seule.
[00:06:29] Speaker A: Et t'avais pas envie d'embrasser quelqu'un autour de toi, de serrer quelqu'un dans tes bras, de crier ta joie ?
[00:06:35] Speaker B: À ce moment-là, non. À ce moment-là, j'étais plutôt dans l'intériorisation, parce qu'il faut l'absorber quand même, parce qu'on se dit, oui, là, ça va être un vrai changement. Et donc, comment je vais l'annoncer à mes proches ? Comment je vais l'annoncer à mon chef au boulot ? Je quitte le boulot quand même alors qu'on compte sur moi. Il y a beaucoup de questions, en fait. Clairement, pour moi, c'est ce que j'adore finalement. C'est le début d'une aventure, en fait. avec toutes ces inconnues, mais je trouve ça hyper dynamisant. Donc, toutes ces questions que je me posais, voilà, au début, j'avais plutôt envie de les intérioriser et de me dire, bon, il faut que je me pose. Je ne vais pas l'annoncer de suite. Donc, je ne l'ai pas annoncé de suite. Et de toute manière, on avait le besoin de garder ça secret. Oui. Jusqu'à l'annonce officielle.
[00:07:24] Speaker A: Bien sûr.
[00:07:25] Speaker B: Donc, ça répondait. Je me suis dit, très bien, c'est une super excuse pour réfléchir à comment je vais l'annoncer aux différentes personnes. Et voilà, donc j'ai pris mon temps et puis après, le reste a suivi. Mais oui, c'était un moment intéressant. Je pense que je me souviendrai longtemps.
[00:07:43] Speaker A: Et combien de temps ça dure ? Tu te dis que tu dois garder le secret un petit peu. Tu as décidé toi-même aussi de prendre un peu ton temps. Concrètement, on parle de quoi ? 48 heures ? Une semaine ?
[00:07:51] Speaker B: Oui, je crois que j'ai mis au moins 24 heures à l'annoncer à mes proches proches. Mais encore une fois, là, on était dans vraiment le besoin de garder sa secrète. Donc, même à mes proches, parce qu'à l'époque, on ne savait pas si on était dans la sélection finale. On savait qu'on était dans le pool d'astronautes, mais on ne savait pas si on allait être réserviste, pas réserviste. Donc, du coup, ce n'était pas du tout joué. Et moi, je l'ai pris comme ça en me disant que ce n'est pas joué. Pour un peu, je reste dans mon métier parce que je serai réserviste. Donc voilà, toujours la prudence, mais quand même la petite excitation de l'aventure qui se profile, c'est clair.
[00:08:29] Speaker A: Et donc ensuite, la prochaine étape, c'était de confirmer que tu étais bien dans le corps des astronautes européens. Et ça, ça s'est fait juste avant l'annonce.
[00:08:37] Speaker B: Juste avant l'annonce, oui. Une demi-heure peut-être ou une heure avant l'annonce. Et ce moment-là, il était vraiment magique. il était vraiment magique. Parce qu'en fait, on était un peu dans une bulle où il y avait tous ceux qui étaient réservistes et ceux du corps des astronautes. Et donc, on était déjà dans une bulle de gens passionnés. Enfin, on était déjà dans le bain. Et puis, en même temps, je me souviens, je me suis assise à la table. En face, il y avait Franck Devine.
[00:09:13] Speaker A: Franck Bévin, qui est le chef des astronautes européens, le chef du centre des astronautes européens.
[00:09:18] Speaker B: Voilà. Et qui m'a annoncé de suite, alors que pour le coup, c'était très, très direct, en une phrase, c'était synthétique.
Et voilà, donc là, c'était... Ah oui, en fait, et dans ma tête, je ne me suis pas trop laissé le temps de, pour le coup, d'absorber toute l'émotion qui va avec, parce que j'étais de suite dans la préparation de la conférence de presse qui allait suivre. Et ça, c'était quelque chose. La première fois qu'on voit le nombre impressionnant de journalistes. Et surtout, il m'avait dit, tu auras à prendre le micro devant tout le conseil de l'ESA, tout le monde. Et puis, il y a tous les journalistes qui vont ensuite te poser des questions. Et on m'a dit, il faut que tu fasses, je ne sais plus, deux minutes. Donc, il fallait que ce soit synthétique, fallait que ce soit... En même temps, dans le partage, dans la joie, mais en même temps pertinent et inspirant. Et en fait, c'est plus à ça que je pensais quand on me l'a annoncé. Je me suis dit, ah ouais, donc là, j'ai une demi-heure pour me préparer à sortir de mes minutes de punchline.
[00:10:26] Speaker A: Le speech parfait.
[00:10:27] Speaker B: Et ce que, pour le coup, je m'interdisais de faire avant parce que je voulais pas être déçue ou être dans le... Voilà. D'habitude, toutes les étapes d'avant de la sélection, je les avais préparées en pensant à l'après. C'est-à-dire que j'avais un cran d'avance sur cette sélection, c'est ça, cette étape, c'est ça. Mais moi, je me prépare pour l'après. Par contre, c'est le seul moment où je me suis interdit de penser à l'après. Et du coup, quand t'es arrivé là-dedans, je me dis wow, faut que je trouve une punchline de deux minutes.
[00:10:59] Speaker A: La préparation, c'est quelque chose qui est omniprésent, j'ai l'impression, dans ton... dans la manière dont tu fais les choses, dans la manière dont tu te... tu fais face à tout ce qui t'arrive. À chaque fois que je t'entends répondre à des questions en public ou en privé, tu parles de préparation. C'est quelque chose qui t'est... iné, quelque chose qu'on t'a appris, qu'on t'a enseigné ?
[00:11:22] Speaker B: Peut-être que c'est aussi une déformation professionnelle, mais pas que, parce que même dans le cercle privé, effectivement, j'adore l'aventure, j'adore l'inconnu, j'adore faire face à des situations improbables et voir comment on y arrive en équipe ou seul, peu importe la mission et le contexte. Mais tout ça, c'est vraiment, je trouve ça galvanisant. Mais par contre, en fait, pour arriver à improviser dans un contexte complexe, il faut avoir anticipé un minimum et avoir peut-être brainstormé sur les différents cas qui pourraient arriver. Alors, dans le monde du pilote, c'est le quotidien des pilotes, puisqu'en fait, on est en permanence prêts à réagir à une panne moteur, à un incident technique sur l'hélico, à un problème météo. Et donc tout ça, on s'y prépare en avance de phase. Dans le contexte personnel, quand on part faire des expéditions en montagne, des aventures à l'autre bout du monde, il faut se préparer. Il n'y a pas seulement la préparation logistique de comment j'arrive à ce point là, comment je prépare mes valises, mon équipement de sécurité, etc. Mais il y a aussi Imaginez ce à quoi je pourrais faire face. Je pourrais ne pas avoir ma valise à l'atterrissage. Comment je prévois ça ? Parce que j'ai quand même envie de ne pas perdre de temps pour partir en expédition, etc. Et c'est vrai que pour moi, la préparation, c'est une manière de...
à la fois de rendre quelque chose réalisable, de se permettre de réaliser quelque chose, mais à la fois, c'est se permettre de pouvoir improviser derrière.
[00:13:03] Speaker A: Donc, est-ce que c'est aussi une manière de s'assurer une certaine liberté à l'intérieur de ton cadre ?
[00:13:10] Speaker B: Oui, je pense. Parce que plus on est prêt à absorber tous les cas de figure et plus on peut être libre et présent et attentif à ce qui se passe dans l'instant présent. Parce que du coup, vient avec ça une confiance dans la situation, dans ses compétences, dans tout ça. Et la confiance dans ses compétences, elle ne vient pas de manière innée, elle vient avec la préparation, justement. Et de ça découle une liberté et le fait de se sentir prêt. C'est dur, je ne sais même pas comment utiliser d'autres termes pour le décrire.
[00:13:47] Speaker A: C'est super intéressant parce qu'on a souvent cette discussion entre, pas nous, mais dans la société, cette discussion. entre liberté et routine. Une espèce d'idée préconçue que la routine, c'est quelque chose qui est inverse à la liberté.
[00:14:06] Speaker B: Alors, pour moi, c'est tout le contraire. Pour moi, la routine et la discipline, c'est la liberté. Parce qu'en fait, une routine, c'est quelque chose qui devient automatique. Donc, c'est quelque chose qu'on fait parce qu'on est conscient que ça fait du bien ou ça apporte un aspect positif. Et pareil pour la discipline. C'est quelque chose qu'on se met dans une routine qui qui va permettre les possibles derrière, que ça soit une routine d'entraînement sportif ou d'être vigilant à tel ou tel aspect pour se libérer derrière. Et parce qu'en fait, pour moi, quand on n'a pas de routine disciplinée au quotidien et du coup, c'est comme si on se permettait, enfin, Une routine, ça permet d'économiser de l'énergie parce qu'on n'a pas de fatigue mentale. Quand je sais exactement que je vais m'habiller comme ci, comme ça, j'ai la même routine, toujours pantalon noir et veste ESA. Du coup, j'ai plus de liberté. Je sais que c'est ça. Idem quand je sais que mon sport, je le fais tous les matins. Du coup, je n'ai pas à me poser la question, quand est-ce que je fais mon sport ? Je me lève, café, c'est parti, quoi. Et derrière, ça me permet de libérer des cases pour faire autre chose. Je n'ai pas à me dire, OK, alors à quelle heure je fais ? Mais non, là, je n'ai pas envie. Parce qu'en fait, il y a toujours un truc. On n'a pas envie ou on est fatigué ou on a des bonnes excuses. Et du coup, en fait, pour moi, la routine et la discipline, ça permet de faire fi de ces concepts-là et de gagner de l'énergie sur autre chose. Je n'aurai pas de fatigue décisionnelle. Je n'aurai pas de...
Finalement, je suis en mode pilote automatique, donc il y a des choses dans la vie que j'aime bien mettre en mode pilote automatique, comme le sport, une alimentation saine, c'est simple. Pour les tenues ESA, c'est simple parce que finalement, les habits d'un astronaute, c'est assez simple. Mais ça, j'aime bien mettre en mode pilote automatique pour mettre l'énergie. de décision, l'énergie physiologique et l'énergie mentale, là où j'ai vraiment envie d'aller chercher des trucs qui vont un peu plus long.
[00:16:26] Speaker A: Ça, c'est bien parce que ça casse un petit peu cette idée reçue et ses a priori sur l'aspect un peu négatif de la routine, finalement. Il y a un aspect du job d'astronaute que peut-être un peu plus difficile à préparer, c'est l'aspect représentation publique. Je me rappelle qu'aussi dans ces entretiens de sélection, on avait à cœur de parler à tous les candidats, ces derniers candidats, de cet aspect-là, parce que c'est finalement quelque chose dont on sait que c'est extrêmement difficile de se préparer quand on est pas habitué à être connu dans la rue, à être un personnage public, et qu'on postule à un poste de très haute performance comme celui d'astronaute, le rôle, ou plutôt la fonction de rôle modèle d'ambassadeur, d'ambassadrice dans ton cas, c'est pas forcément quelque chose dont on a pris conscience complètement. Est-ce que ça t'a surpris ? Est-ce que tu t'y étais préparé aussi ?
[00:17:31] Speaker B: D'être préparé et de s'imaginer ce que ça pourrait être, c'est une chose et de le vivre, c'est encore autre chose, clairement. Donc oui, c'est venu avec sans doute surprise, mais ce qui est vraiment chouette dans ce métier, c'est qu'on peut aussi s'appuyer sur des gens qui ont vécu l'expérience et qui peuvent nous transmettre un petit peu la manière dont ils ont vécu. Alors après, chacun le vit à sa manière. Mais oui, c'est quelque chose de complètement nouveau. Et pour moi, ça fait partie de cette aventure avec un grand A dans sa globalité. C'est-à-dire qu'en rentrant dans ce métier, je me suis bien fait la promesse de me dire qu'il y aura plein de choses que je ne contrôlerai pas, plein de choses que je ne comprendrai pas, plein de choses qui seront nouvelles, qui seront déroutantes. Mais j'accueille tout ça et je prends tout ça.
Et ces choses déroutantes, on les gérera au quotidien. Il y a des équipes sur lesquelles on peut s'appuyer, qui nous aident. Donc ça, c'est assez fantastique. Mais oui, il y a la part d'inconnus et je pense qu'il y a encore une grande part d'inconnus pour la suite. Je n'ai pas encore volé dans l'espace, je m'attends à ce qu'il y ait encore le lot d'aventures.
[00:18:45] Speaker A: Je te confirme, je te confirme, ça va venir.
[00:18:47] Speaker B: T'as suivi d'autres astronautes, donc tu sais ce que c'est.
[00:18:51] Speaker A: Et justement, est-ce que tu as un peu d'appréhension par rapport à ça ou alors tu l'assumes complètement, cette fonction de rôle modèle, tu l'assumes complètement ?
[00:19:00] Speaker B: Je dois dire que c'est l'avantage d'arriver dans ce métier en ayant passé la quarantaine, je pense. C'est qu'au final, dans ma vie, dans ma carrière, j'ai quand même vécu pas mal de choses, certaines très déroutantes. Et avec l'expérience, et ce n'est pas la même chose quand on est jeune où on prend un peu tout de plein fouet, mais sans l'expérience. Là, je me dis bon, au final, même les situations les plus improbables, Il y a des gens autour pour aider. On n'est pas seul dans l'aventure. Il y a des choses qui, concrètement, vont se faire pour aider, pour tout ça, pour gérer les situations. Et je pense qu'avec l'expérience, j'ai appris à faire confiance dans l'inconnu, en fait, et de me dire, à l'instant présent, tout va bien.
Voilà. Et même si derrière, il y a des choses qui font, enfin, sur cette facette-là du métier, qui feront que je serais surprise, eh bien, on se recale dans l'instant présent. Ça va bien. Il y a des équipes autour. S'il y a des problèmes, on les gère. S'il n'y a pas de problème et c'est juste une crainte mentale, eh bien, on en parle et on trouve... Voilà, voilà. Pour le coup, je pense avoir une certaine confiance dans les capacités d'adaptation, de gestion avec les équipes, etc.
Et cette.
[00:20:17] Speaker A: Fonction de rôle modèle peut parfois être un peu frustrante quand on est présenté comme passer une responsabilité énorme, déjà, pour un être humain, d'être le modèle de tout un tas de gens qui peuvent être très jeunes, des enfants. Et j'imagine qu'on parle beaucoup du fait que tu es une femme et que c'est rare et qu'il y a plein de petites filles qui vont être inspirées par ton parcours.
Soyons clairs, c'est une responsabilité énorme pour un être humain seul. Comment tu le vis, ?
[00:20:53] Speaker B: Toi Moi, je ne le vis pas comme ça du tout. Parce qu'en fait, quand on me dit ça et quand j'en prends conscience et je me prête à l'exercice d'imaginer ça, clairement, je me revois petite fille. Mais j'en ai tellement bénéficié. Quand j'étais petite, je découpais les articles de magazine, les journées, etc. et je collais les photos en face de mon bureau. Et comme ça, quand je bossais mes maths et les équations qui me paraissaient si loin de l'aventure spatiale à laquelle je rêvais, je regardais mon mur de photos et d'articles de magazine découpés et j'avais vraiment une énergie incroyable. Et donc, en fait, pour ça, je dirais que Déjà, un, c'est le juste retour des choses. Moi, j'ai tellement été inspirée et si je n'avais pas été inspirée, jamais j'en serais là, clairement. Et la deuxième chose, c'est que...
je ne regarde pas le nombre de personnes potentiellement que je vais inspirer. Non, moi, ce qui m'intéresse, c'est quand j'aurai en face de moi les yeux d'une petite fille qui a envie de rêver, je lui dirai vas-y rêve parce que j'étais à ta place. Donc, je n'ai pas envie de noyer ça dans des nombres, dans des statistiques, dans tout ça. Non, j'ai vraiment envie de m'intéresser aux personnes que j'aurai concrètement en face de moi. Et c'est ce que je me dis avant même des interviews ou des choses télévisées où finalement on ne voit pas les personnes en face, donc c'est presque plus déroutant. Mais je me dis, imagine-toi en face la petite fille que tu étais et elle sera trop contente, la petite fille que j'étais, d'entendre ça. Donc voilà, j'essaye de vraiment rendre ça à l'échelle humaine et individuelle. Et c'est ça qui m'aide.
[00:22:34] Speaker A: Et tu parlais tout à l'heure des gens qui sont au-dessus de toi, avec qui tu peux échanger, etc. On te voit là, un peu toute seule, comme si t'étais dans une aventure solitaire.
[00:22:45] Speaker B: Surtout pas.
[00:22:46] Speaker A: Mais ouais.
[00:22:47] Speaker B: Oh mais y'a une équipe derrière, c'est incroyable.
[00:22:49] Speaker A: On a appris tous y'a récemment le nom de ta mission, que t'as choisie, et qui est Epsilon. Et sur le patch, peut-être qu'on peut même le montrer parce que tu nous l'as amené aujourd'hui pour ceux qui nous regardent en vidéo, Epsilon, on voit un colibri et plein de petits points tout autour du patch. Ça représente quoi ?
[00:23:15] Speaker B: Pour moi, les pleins de petits points, ça représente plusieurs choses, mais une des choses, pour revenir, me raccrocher à la question que tu as évoquée, pour moi, c'est les dizaines de milliers de personnes, enfin, je ne sais même pas le nombre en fait, je ne sais pas, mais c'est toutes les personnes qui travaillent pour une mission spatiale. Et en fait, contrairement à ce que tu disais, on te voit seul, etc. Je t'assure que le nombre de personnes, et pour moi ça a été une prise de conscience incroyable, pour mener à bien une mission spatiale, il faut un nombre incalculable de personnes. Et du coup, j'avais envie de rendre hommage à toutes ces personnes et à tout le travail que chaque personne fait individuellement. Et chaque personne peut se dire, oui, mais moi, Moi, si ça se trouve, mon boulot, il n'est pas important. Je ne sais pas, fournir un clavier d'ordinateur aux collègues de Sophie qui travaillent sur la com du truc, ou alors qui travaillent sur un ordinateur qui sera utilisé derrière pour envoyer des mails à la personne qui s'occupera de la nutrition, etc. En fait, tout est lié. Et il y a des gens, il n'y a pas de petites tâches. Et moi, j'ai voulu rendre hommage à toutes les à tous les petits boulots qui sont faits pour arriver. Mais ça va du plus simple au plus complexe, les boulots. Mais voilà, pour moi, c'était important de rendre hommage à ça. Et le symbole du colibri, c'est qu'en fait, le colibri, c'est un des plus petits oiseaux de la Terre et qui pourtant a une importance capitale dans la pollinisation des écosystèmes. Et même s'il est tout petit, son boulot, il sert. Voilà. Et donc que chacune des personnes qui qui aident de près ou de loin à la réalisation de la mission, ils se sentent importants autant que les incolibris dans un écosystème.
[00:25:19] Speaker A: Et dans les gens qui sont autour de toi, il n'y a pas simplement les gens qui travaillent à ta mission, il y a aussi, je pense à Raphaël Liégeois, qui s'entraîne avec toi en ce moment à Houston. Des gens qui sont tes pères, entre guillemets, avec qui tu peux, ou même les astrones d'une génération plus ancienne, avec qui tu peux échanger de manière peut-être plus particulière sur les surprises qui t'arrivent pendant ton entraînement ou des choses un petit peu plus complexes. Ça fait partie aussi des échanges que tu as avec eux.
[00:25:52] Speaker B: Oui, en fait, le dialogue avec les astronautes expérimentés est très, très important. Il faut savoir que dans le métier d'astronaute, on est formé par des instructeurs sols la plupart du temps, qui ne sont pas partis dans l'espace. Et donc, en revanche, on a des mentors ou des gens expérimentés à qui on peut poser des questions. OK, et dans l'espace, comment ça s'est passé ? Et même eux viennent d'eux-mêmes nous donner des astuces, des conseils. Je trouve ça vraiment fabuleux. et chacun avec sa petite vision de sa mission, etc. Et c'est ça qui est beau derrière, c'est qu'une mission spatiale, chacun la vit avec sa sensibilité et la partage avec sa sensibilité aussi. Donc oui, il y a beaucoup de cohésion, d'échanges, de conseils, d'échanges de vécu entre les astronautes. Du coup, on ne se sent vraiment pas seul dans cette aventure. Tout sauf seul.
[00:26:56] Speaker A: En parlant de solitude, ou plutôt de travail d'équipe, Et j'ai vu aussi que tu avais choisi, plutôt que Lesa avait choisi pour toi, je ne sais pas, la chef qui va faire ton bonus food, c'est-à-dire la nourriture spatiale un petit peu exceptionnelle. Est-ce que tu peux nous parler de comment ça s'est passé et ce que tu veux emmener avec toi ?
[00:27:23] Speaker B: Effectivement, Anne-Sophie Pick a créé la bonus food qui va être emportée. La bonus food, c'est environ 10% des rations alimentaires d'un astronaute pendant une mission spatiale. Et c'est vraiment spécifique aux astronautes européens. En réalité, dans les faits, ce ne sera pas 10%, ce sera un peu moins parce que le but de cette bonus food, c'est de la partager avec les membres d'équipage. Et donc, on réservera ça au repas de fête. Admettons, si on est en orbite à Noël ou Jour de l'An, où il y a un anniversaire particulier, où je pense aussi, par exemple, à l'accueil des nouveaux arrivants dans la station, on va faire un repas de fête pour les inviter.
[00:28:02] Speaker A: Les astronautes, ils doivent adorer ça, les astronautes internationaux que les Européens arrivent avec.
[00:28:08] Speaker B: Ils adorent. Donc, il n'y a pas que les Européens, il y a les Japonais aussi qui ont leur cuisine spécifique. Et après, je suis moins familière avec les autres nationalités d'astronautes sur comment ils mettent en valeur leur gastronomie locale. Mais oui, L'idée, c'est de à la fois faire rayonner la gastronomie française, mais à la fois offrir un moment de reconnection à la terre, parce qu'en fait, avec la nourriture, on arrive à susciter des émotions, des souvenirs d'enfance. On a tous notre Madeleine de Proust. À la fois, il y a tout le spectre dans ce menu créé par Anne-Sophie Pic. Il y a le spectre des plats qui sont très simples dans une cuisine familiale de tous les jours, la soupe à l'oignon, le riz au lait, mais il y a aussi des menus beaucoup plus sophistiqués qui permettent justement de montrer la singularité de la cuisine française. Donc oui, je crois que mes collègues membres d'équipage sont contents de savoir qu'il y a des menus créés par une chef.
[00:29:04] Speaker A: On le sait que dès qu'on est isolé quelque part dans des conditions hostiles, il faut le dire, c'est pas juste une aventure mentale. Vous êtes vraiment dans des conditions, dans un environnement hostile. La nourriture, c'est un soutien psychologique énorme, surtout quand on est dans un groupe partagé. Une nourriture spéciale, ça peut relancer un équipage, ça peut faire remonter le moral de toute une équipe très, très rapidement. C'est quelque chose de...
[00:29:32] Speaker B: Exactement, donc avoir de la nourriture bonus food là, et en plus avec des saveurs incroyables qui vont surprendre tout le monde, ça va permettre de nous offrir un moment de réconfort en fait, là où la nourriture de tous les jours est les plus fonctionnelle. Elle nourrit le corps avec des calories. La bonus food, c'est vraiment le but de nourrir l'esprit avec des émotions, des souvenirs, des saveurs particulières et de partager ça entre nous, de partager ça avec la Terre. Et finalement, quand on embarque un menu d'Anne-Sophie Pic ou d'un chef d'un chef, on embarque un petit bout de la terre parce qu'on fait monter à bord un peu de terroir, on fait monter des gens qui ont travaillé aux ingrédients, aux matières premières. Et du coup, on est dans le partage, on est dans le réconfort. Je suis assez contente.
[00:30:27] Speaker A: Ouais, c'est cool. Cet ancrage avec la terre, il te vient aussi du yoga. Tu pratiques beaucoup le yoga, t'es prof de yoga. C'est quelque chose dans ton CV qui est...
Un peu en périphérie ou c'est vraiment central dans ton mode de vie ? Tu parlais tout à l'heure de ta mode de vie. C'est une ligne sur ton CV ou c'est quelque chose qui fait vraiment partie intégrante de ce nouveau mode de vie.
[00:30:52] Speaker B: Ou de ton mode de vie en général ? Le yoga, ça a toujours eu une importance. Ça fait plus de 15 ans que je pratique. Et pour moi, je vis le yoga, c'est par phase. Il y a des phases où j'ai le temps de plus en faire, des phases où j'ai moins le temps d'en faire. Mais en revanche, je sais que le yoga est toujours là comme une boîte à outils et une boîte à outils qui va m'aider des fois à m'énergiser, des fois à me relaxer. Et récemment, par exemple, Je me souviens, je sortais d'une journée où c'était vraiment difficile, poussé vraiment aux limites de la zone de confort dans l'entraînement. Physiologiquement, j'étais épuisée. Et là, je me suis dit, bon, d'habitude, j'utilise le sport vraiment pour, voilà, libérer tout ce que je dois libérer pour la gestion du stress. Et là, je me suis dit, bon, là, j'ai besoin d'une session de Yin Yoga. Je me suis lâchée et ça fait du bien.
Il y a d'autres fois, j'utiliserai les techniques de respiration, du yoga. Pour moi, c'est vraiment une connexion, un ancrage et c'est quelque chose qui est là. Je ne le pratique pas au quotidien. Aujourd'hui, mon métier ne me permet pas de le pratiquer au quotidien, mais je sais que c'est toujours là, comme une petite boîte à outils. Et ça, du coup, je me sens apaisée, quelle que soit la situation.
[00:32:17] Speaker A: Tu sais que tu peux briser le verre et sortir le yoga en cas d'urgence.
[00:32:21] Speaker B: Exactement, c'est ça.
[00:32:24] Speaker A: Et tu t'apprêtes donc à partir dans une mission spatiale vers la Station Spatiale Internationale, une mission longue de plusieurs mois. Comment tu t'y prépares au-delà de l'entraînement quotidien ?
Il y a beaucoup d'instructeurs qui t'apprennent les systèmes de la station, qui t'apprennent les expériences que tu vas devoir faire, ça va arriver. Comment tu te prépares à tout ce qui n'a rien à voir avec le travail à bord ? Est-ce que tu as une méthode pour ça ?
[00:32:54] Speaker B: Beaucoup, avec le dialogue avec les astronautes qui ont déjà volé. Alors ça, c'est clairement l'expérience. Ils l'ont, ils sont déjà passés par là. Et donc, poser des questions, poser des questions et accepter aussi qu'il y aura le lot d'inconnus. Donc, pour moi, c'est vraiment les deux volets. Quand j'avais moins accès à l'époque, à des gens qui avaient déjà volé, je lisais beaucoup de biographies aussi, parce qu'on apprend beaucoup de choses dans les biographies. Moi, j'aime bien les lectures de livres concrets, d'expériences vécues, et je pense qu'on est vraiment bien servi, en tout cas pour les astronautes français, ils ont tous écrit des livres avec des récits d'aventures, même si c'était une autre station spatiale. avec Myr à l'époque, etc. C'est quand même un condensé d'informations qui est super.
[00:33:53] Speaker A: Il y a des choses qui ne changent pas.
[00:33:54] Speaker B: Exactement.
[00:33:56] Speaker A: Claudie Aignoré, qui était assise à ta place il y a quelques temps, disait que vous étiez en contact aussi avant même l'annonce de ta sélection. Ça fait partie des personnes qui ont ensuite donné des clés aussi.
[00:34:11] Speaker B: Oui, clairement. Déjà, la première chose qu'elle m'a donnée, c'est une dose d'inspiration incroyable quand elle a décollé avec sa mission Cassiopée. J'avais 14 ans et pour moi, ça a été un déclic, en fait. Donc, ça, c'est la première...
la première contribution qu'elle a faite, je veux dire, dans l'échelle chronologique. Et puis après, je me souviens l'avoir rencontré une fois ou deux. Alors, à l'époque, je n'osais même pas aller l'aborder. Je me sentais vraiment trop impressionnée. Mais au fur et à mesure des années, je ne me souviens plus la première fois que j'ai rencontré où c'était, mais j'allais très, très souvent dans les forums espace. Et à l'époque, il n'y avait pas encore vraiment les arts, mais les forums où il y avait le CNES. Et probablement, j'avais dû la rencontrer là pour la première fois. Et bon, au fur et à mesure que je grandissais, j'avais en tête ce rêve qui grandissait dans ma tête. Je me disais qu'il fallait que j'ose l'aborder. Donc, j'ai fini par oser l'aborder. Et du coup, c'est... Voilà, en quelques questions, cette dame, elle est tellement inspirante.
Elle a une forme de sagesse, elle a en même temps une étincelle qui fait qu'on a envie d'être curieuse avec elle quand elle raconte ses aventures. Elle a en même temps la connaissance scientifique avec son parcours et tout ce qu'elle a vécu. Je l'ai trouvée tellement inspirante. Dans les étapes finales de la sélection, j'en avais informé que j'étais en cours de sélection. Principalement, je la remerciais parce que si j'en étais là, c'était grâce à elle. Et puis, de bon cœur, elle m'a renvoyé des messages en me disant qu'elle m'encourageait. Donc c'était pour moi, rien que de recevoir ce message d'encouragement, c'était magique. Ça donne des ailes.
[00:36:23] Speaker A: Avoir ce lien d'inspiration, cette chaîne de transmission, ça doit être extrêmement, extrêmement précieux. Pour terminer, je voudrais te poser quelques petites questions que je pose à toutes mes invitées. Donc c'est une émission sur le spatial, tu l'as compris. Et dans le milieu spatial, on a tous un livre spatial préféré.
[00:36:48] Speaker B: D'accord.
[00:36:49] Speaker A: Tu as parlé des biographies tout à l'heure. Est-ce que tu as un livre spatial préféré ?
[00:36:53] Speaker B: Je crois que pour moi, c'est difficile d'en nommer un, parce que chaque livre que j'ai lu, chaque biographie que j'ai lue, m'a apporté quelque chose. Donc j'aimerais dire que pour moi, mon livre, plutôt le type de livre spatial préféré, c'est les biographies. Les biographies ou d'aventures spatiales, parce qu'il n'y a pas que les astronautes, mais c'est des livres d'expériences concrètes. et de vécu, parce que j'aime ressentir, vivre au travers des livres, ce qu'ont ressenti les gens, comment ils ont vécu cette aventure. C'est vraiment le partage du vécu que j'adore.
[00:37:32] Speaker A: Donc plus les biographies que les fictions, finalement ?
[00:37:35] Speaker B: Ah oui, ça, c'est clair. Les fictions, je dis souvent en plaisantant, mais finalement, ce n'est pas qu'une plaisanterie. Je n'ai pas assez de temps pour les lire parce qu'il y a tellement de biographies ou de récits, d'histoires réelles à lire que du coup, je n'ai pas le temps pour les science-fiction.
[00:37:52] Speaker A: Et sur les films, c'est pareil ? Tu es plus documentaire que film de fiction ou alors tu as un film spatial préféré ?
[00:37:57] Speaker B: Alors, c'est amusant parce qu'au travers des films, j'aime bien plus rêver et aller sur la fiction. Mais la fiction a un tantinet réaliste quand même.
[00:38:06] Speaker A: Il faut que ce soit réaliste.
[00:38:07] Speaker B: Par exemple, j'ai bien aimé Proxima, Préparation voyage sur la lune. J'ai bien aimé Seules sur Mars où il y a quand même une dose d'aventure et de fiction, mais il y a aussi une dose d'ancrage dans le concret. C'est des choses qui sont probables, peut-être pas tout de suite là dans la décennie pour aller sur Mars, mais on s'imagine que c'est probable. Et en tout cas, c'est suffisamment bien raconté pour... Voilà, avec de la précision technique, quasiment sur tous les points, sauf quelques-uns, mais peu importe. On est dans le concret, dans le réel.
[00:38:41] Speaker A: Oui, c'est vrai que Proxima, c'est un film qui a déjà été cité ici. C'est vrai qu'il y a cet aspect presque documentaire. Oui, dans la sobriété de la mise en scène.
[00:38:52] Speaker B: Oui, c'est ça que j'aime. On se raccroche au réel encore, un peu dans l'histoire, dans la même mouvance que les livres, les biographies, le vécu.
[00:39:01] Speaker A: Complètement. Est-ce que tu connais la question moins plus ? C'est toujours cette question.
[00:39:07] Speaker B: Oui, je la connais, oui.
[00:39:08] Speaker A: Si c'était à refaire, ta carrière jusqu'à aujourd'hui, qu'est-ce que tu ferais moins et qu'est-ce que tu ferais plus ?
[00:39:15] Speaker B: Alors ça c'est amusant parce que...
Pour moi, une de mes lignes de conduite, c'est fais de ton mieux et laisse faire le reste. Et donc, toujours, je me suis dit, je vais faire de mon mieux de telle sorte à ne pas avoir de regrets et ne pas me tourner vers le passé et m'interroger sur ce que j'aurais fait différent, mais pouvoir regarder sereinement vers l'avenir. Et donc, cette question, je ne peux réellement pas y répondre parce qu'à chaque fois, tout ce que j'ai fait, c'était de mon mieux avec les données que j'avais à l'instant T.
[00:39:47] Speaker A: T'as réussi à faire ça, parce que c'est OK d'avoir une ligne de conduite en disant je vais faire de mon mieux, mais des fois, on n'y arrive pas.
[00:39:51] Speaker B: Non, mais c'est juste après un choix d'attitude, en fait. Je choisis de ne pas regarder ce qui s'est passé derrière parce que je sais que c'était de mon mieux. Alors peut-être des fois, j'aurais pu être plus efficace, différent, je ne sais pas. Mais du coup, je... quelque part, je m'interdis de me poser cette question. Alors, il y a eu des plantages, il y a eu des réorientations, mais pour moi, c'est vraiment le signe de... À l'époque, j'ai fait de mon mieux. Et puis, alors maintenant, par contre, qu'est-ce que je fais pour que soit ça se reproduise pas, soit ça se passe mieux, soit tout ça ?
[00:40:25] Speaker A: D'accord. Donc, tu as quand même ça, tu as quand même cet outil du regret. C'est aussi un outil qui te permet de ne pas reproduire les erreurs de... d'avancer dans la vie. Donc t'as quand même ça, t'as quand même ce qu'on appelle le feedback loop, presque, sans regarder en arrière en permanence, mais tu arrives quand même à reconnaître, comme tu dis, les plantages.
[00:40:49] Speaker B: Oui, les plantages, il y en a eu, mais à chaque fois, c'était des plantages de bonne volonté, de bonne intention. Faites ton mieux et laisse faire le reste. Bon, ben voilà, donc la prochaine fois, je ferai encore de mon mieux et en espérant de réorienter.
[00:41:04] Speaker A: Et la dernière question, c'est dans ta jeune carrière dans le spatial, finalement, quelle est la chose la plus précieuse que tu aies apprise ?
[00:41:15] Speaker B: Oh là là, il y en a tellement ! C'est difficile de donner une priorité, en fait, ou de dire la plus précieuse, parce que pour moi, c'est tout un ensemble. J'en parlais tout à l'heure pour le patch. Et finalement, les symboles, ils sont là.
Une des choses que j'adore et la plus précieuse, c'est le fait que quand on est beaucoup de personnes à travailler, on arrive à faire des projets qui nous dépassent chacun d'entre nous et pour autant qui est une aventure formidable. Il y a aussi l'aspect que j'ai voulu matérialiser ici par l'étoile effilante et l'aspect du rêve, c'est-à-dire que moi le rêve de devenir astronaute, Je l'ai fait des centaines, voire des milliers de fois devant des étoiles filantes. Mais en même temps, c'est pas juste un rêve, il faut aussi s'en donner les moyens. Donc ça, c'est aussi précieux, ce que j'ai appris, c'est que, OK, il y a l'aspect rêve, mais il y a aussi l'aspect, bon, OK, si je veux que ce rêve, il ne reste pas qu'une étoile filante, il faut que je m'en donne les moyens. Donc voilà, il y a... Il y a l'aspect ancrage aussi, qui est rappelé ici par la terre, la nature, les arbres, les montagnes qui sont bien ancrées dans la terre. C'est-à-dire qu'on peut vouloir partir à l'aventure, être curieux de tout, etc. Mais à un moment, on a tous besoin d'un ancrage. C'est comme les marins, ils ont besoin de savoir où est leur port d'attache. Ils partent à l'aventure, mais ils reviennent et ils savent qu'ils vont revenir. Et c'est comme ça qu'ils sont plus à l'aise dans cette aventure qui les emmène loin de tout. Voilà quelques exemples. Donc, c'est difficile de catégoriser vraiment la chose la plus précieuse. C'est un ensemble.
[00:42:58] Speaker A: C'est bon, on en a plusieurs pour le prix d'un. Sophie, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
[00:43:04] Speaker B: Merci à toi.
[00:43:05] Speaker A: Et merci d'être une de celles qui, sur Terre et bientôt dans l'espace, font l'espace.
[00:43:10] Speaker B: Merci à toi Julie.
[00:43:11] Speaker A: Merci. Merci d'avoir écouté cet épisode de Elles font l'espace avec le soutien de l'Académie spatiale d'Île-de-France. Cet épisode était produit et réalisé par François Bonnet, Cyril Nobillet et Yann Famoutri. Si vous avez aimé, n'hésitez pas à le partager et à nous mettre plein d'étoiles. Et nous, on se retrouve très vite sur vos plateformes préférées pour un nouvel épisode de Elles font l'espace.