Episode Transcript
[00:00:00] Speaker A: Personne qui va en Guyane française et voit un décollage peut être insensible à ça. Même si on n'est pas porté par le spatial, même si on n'a pas été enfant à regarder des films sur le spatial et à être...
en admiration, une fois on est sur place, c'est un tel, c'est un tel déploiement de force et de bruit et c'est basique. Je pense que c'est tellement basique que ça réveille tous les sens. C'est une grande aventure humaine et quand on voit décoller et tout assembler et cette force physique qui décolle de terre, c'est impossible d'être indifférent, c'est impossible.
[00:00:47] Speaker B: Aujourd'hui dans ELF en espace, je reçois Lucia Linares. Lucia est responsable de la stratégie du transport spatial européen à l'ESA. En tant que juriste de formation, elle nous explique comment on passe du droit au spatial. Time magazine vient de la nommer parmi les 100 personnes à suivre en 2024. Avec elle, on parle de lancement de fusées, on parle de sélection d'astronautes et même de comment on construit un programme spatial. Bonjour Lucia.
[00:01:13] Speaker A: Bonjour Jules.
[00:01:14] Speaker B: Merci de venir dans le studio, ici, dans Elle font l'espace.
[00:01:18] Speaker A: C'est un plaisir.
[00:01:20] Speaker B: On va se tutoyer pendant l'entretien.
Ouais, si ça te va.
[00:01:23] Speaker A: Comme toujours.
[00:01:23] Speaker B: Voilà, on se connaît un petit peu.
On se connaît parce qu'on a travaillé ensemble à l'agence spatiale européenne, à l'époque où je m'occupais aussi de la communication des lanceurs, des fusées. Je ne me suis pas occupé très longtemps, par contre. Et surtout, on a travaillé ensemble pendant trois semaines.
Tu t'en souviens, il y a deux ans ?
[00:01:41] Speaker A: Je m'en souviens très bien.
[00:01:43] Speaker B: On avait la chance d'avoir été choisi pour faire partie d'un comité très restreint qui allait, comment dire, passer en revue les 50 derniers candidats astronautes de la sélection la plus récente de l'ESA.
[00:01:58] Speaker A: De l'ACTAS 2022, oui.
[00:02:00] Speaker B: C'est ça, celle de, pour les Français, de Sophia Denault, par exemple, et d'autres. Quel est le souvenir le plus marquant que tu as de ces trois semaines passées à voir tous ces candidats ?
[00:02:10] Speaker A: Mon souvenir, je pense, celui qui m'a marqué le plus, c'était d'être, en effet, un groupe très restreint de personnes qui avons travaillé main dans la main pour aussi... On le prenait très au sérieux, mais on avait une responsabilité très grande parce qu'il y avait 50 personnes de très haute qualité. On était bluffés après chaque interview et on s'est marqué des règles du jeu d'emblée.
qu'on a établi entre nous et qu'on a respecté jusqu'au bout. Et pour moi, c'était un grand exemple de professionnalisme et de travail en équipe. Je crois que c'était très intense et très enrichissant, en fait, en termes de travail soudé.
[00:02:52] Speaker B: C'est vrai. En plus, on était un groupe vraiment d'une diversité incroyable.
[00:02:56] Speaker A: Totalement.
[00:02:57] Speaker B: Il y avait cinq personnes. Il y avait une personne responsable de la sélection, bien sûr, qui avait suivi toute cette sélection. Il y avait une représentante des ressources humaines. OK, parce qu'on recrute des gens, donc c'est clair. Il y avait le chef des astronautes, il y avait moi pour le côté un peu communication, ambassadorship. Et toi, tu faisais... C'était quoi ton rôle finalement ?
[00:03:16] Speaker A: Moi, je pense, je me voyais un peu comme un membre externe parce qu'autant on avait la personne qui s'occupe des ressources humaines et donc qui s'occupe de l'exploration des astronautes. Comme tu le disais, le chef des astronautes, une autre personne qui est aussi dans l'équipe pour dévoiler des astronautes et puis toi qui avais déjà travaillé sur la communication des astronautes, donc je me voyais un peu la moins proche de ce domaine et donc c'était pour moi un honneur. J'ai beaucoup appris, mais aussi mon rôle, je dirais, comme tout un chacun, c'était aussi de donner mon avis sur ces interviews et comment ces candidats se présentaient à nous.
et d'essayer d'avoir un point de vue, si je puis dire, un peu plus extérieur par rapport à vous, qui était plus proche du corps des astronautes, en tout cas du travail qui s'est déployé par les astronautes qui étaient en poste.
[00:04:10] Speaker B: C'est vrai que quand on recrute des astronautes comme ça, l'enjeu est énorme déjà. Et à la fois, c'est bien de connaître le métier et l'environnement des astronautes, mais c'est aussi, je pense, indispensable d'avoir quelqu'un dans le panel qui ne connaît pas tout ça dans les détails, mais qui a un jugement sain et en qui on a confiance. Je pense que c'est pour ça que tu étais là.
[00:04:35] Speaker A: Je veux le croire. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que quand on m'a offert cette possibilité, c'était un grand honneur. Et c'est vrai que tous ces candidats qui sont arrivés à la fin avec 23 000, 24 000 au tout début, on en a interviewé 50. C'est sûr que ces 50, ils étaient tous d'une grande qualité. Ils avaient passé de grandes épreuves jusqu'à l'arrivée à la dernière partie de la sélection et donc l'interview qu'on a faite.
Et donc, c'est vrai qu'on se doit d'être au plus haut de son niveau d'écoute, d'analyse objective. Et ceci, je pense, qui était un grand défi pour tout un chacun. Et pour moi, c'était un défi et un honneur. Et je pense qu'on se devait de donner, depuis notre expérience professionnelle, mais aussi comme personne, puisque ces astronautes, bien sûr, ils avaient déjà été jugés quant à leur qualité pour devenir astronaute en tant que qualité technique.
psychologiques. Nous, on était là surtout pour voir comment ils se présentaient au public, je pense, à l'âge aussi. Donc, comment ils transmettaient leurs messages, puisque un astronaute, par définition, il porte la parole de l'Agence spatiale européenne au-delà de ce que peut le faire une personne qui travaille comme je peux le faire, comme tu peux le faire à l'Agence spatiale européenne. La portée est beaucoup, beaucoup plus grande.
[00:05:54] Speaker B: Oui, c'est ça. Il y a même des gens qui sont des directeurs, par exemple, qui sont au-delà, je dirais, dans l'échelle hiérarchique de l'agence, mais qui n'ont pas une exposition aussi grande.
[00:06:04] Speaker A: Ils sont de vrais ambassadeurs de l'Agence Spatiale Européenne.
[00:06:07] Speaker B: Personne n'a une exposition aussi grande que les astronomes.
[00:06:09] Speaker A: Tout à fait.
[00:06:10] Speaker B: Donc, c'est important de pouvoir raconter leurs histoires et de pouvoir être les ambassadeurs du spatial en Europe et en particulier dans leur pays.
Moi, j'ai le souvenir vraiment de, comme tu dis, d'un groupe très soudé, avec des débats très constructifs, jamais vraiment de disputes.
[00:06:30] Speaker A: Non, c'était, je pense, un forum où on était respecté dans notre parole et nos opinions, et on allait défendre jusqu'au bout une opinion qui était la nôtre, qu'on allait tailler, bien sûr, parce qu'on savait qu'on avait ce sens de la responsabilité et qu'on prenait les décisions par consensus. Et je dois donner honneur au chef des astronautes qui a laissé cette parole ouverte et qui a fait confiance à nous tous.
qui était très à l'écoute. Il a dit la décision se prend ensemble.
[00:07:01] Speaker B: Complètement.
[00:07:01] Speaker A: Même si je suis le président.
[00:07:03] Speaker B: Complètement. Franck Devigne, pour ne pas le nommer, qui a déjà fait ses preuves.
comme tu dis, de leader de groupe, puisqu'il a été le premier Européen à être le commandant de la station spatiale internationale.
C'est déjà une fonction où on est le leader d'un groupe et on doit être à l'écoute de son groupe, etc. Et là, il a fait vraiment, je trouve, montre de toutes ses qualités.
[00:07:25] Speaker A: Oui, chapeau à Franck, vraiment.
[00:07:27] Speaker B: Ce qui était difficile, c'était aussi, pour ma part, de savoir à chaque fois qu'il y a une personne qui rentrait dans la salle, en tout cas de deviner l'état d'excitation dans lequel ils étaient, aussi l'enjeu pour chaque personne. On sait qu'ils sont là depuis 18 mois dans ce processus, comme tu l'as dit, qui a été long, qui a eu plusieurs étapes. On sait qu'ils sont tout près de leurs rêves. Et on sait aussi que notre responsabilité, si on le juge nécessaire, c'est de mettre fin à ça. Humainement, c'est dur.
[00:08:00] Speaker A: C'est dur parce qu'aussi, on se devait de les mettre sous pression à certains moments et de relâcher à d'autres pour voir comment cette personne réagissait. Et donc, il y avait aussi un jeu entre nous qui a en partie aussi soudé beaucoup l'équipe parce qu'il y avait ce sens de la responsabilité, mais ce devoir aussi de mettre de la tension pour voir comment cette personne se porte dans le relationnel sous tension et sous le relationnel amical. Donc, il y avait ce changement de registre dans les interviews.
[00:08:30] Speaker B: Oui, c'est vrai. On ne pouvait pas être juste sympa avec tout le monde parce que sinon, on aurait pris tout le monde, finalement, puisque sur le papier, ils étaient tous et toutes super compétents.
[00:08:40] Speaker A: Oui, et on ne pouvait pas être sympa pendant toute l'interview pour chaque candidat. Ce n'était pas possible.
[00:08:44] Speaker B: Surtout moi.
[00:08:45] Speaker A: Non, arrête.
[00:08:47] Speaker B: Donc voilà, c'est un petit peu une expérience qu'on a faite ensemble et qui a fait qu'on se connaît un petit peu mieux depuis ce moment-là.
[00:08:53] Speaker A: Oui, parce qu'on avait travaillé ensemble, comme tu le disais, pendant que tu étais au service de la com des lanceurs, notamment à Séville, avec un ancien directeur général. Et là, on s'est connus, mais c'est vrai que l'expérience d'interviewer les astronautes. Elle est tellement unique et on avait tellement un sens de la responsabilité et très concentré sur une courte période que tu m'as fait découvrir l'Allemagne. J'ai été avec pas mal d'amis à toi. Et donc, c'était une expérience sur le plan professionnel, surtout, mais aussi sur le plan personnel que je n'oublierai jamais.
[00:09:30] Speaker B: On a dit tu faisais partie de la... Tu étais la personne externe, on va dire.
Comment tu décrirais ton job, ta fonction ?
[00:09:39] Speaker A: Alors, c'est vrai qu'à chaque fois que mon titre apparaît et que je fais un interview, c'est difficile d'expliquer au public qu'est-ce qu'est le chef de la stratégie du transport spatial et des vols institutionnels. On ne peut pas faire plus compliqué. C'est vrai que l'Agence Spatiale Européenne, tu le sais très bien, c'est une organisation intergouvernementale.
de 22 États membres, et en ce qui me concerne, à savoir je m'occupe du transport spatial, ce sont des programmes optionnels. Ça veut dire qu'il faut aller convaincre chaque État pour lui expliquer combien une idée d'un programme, d'une activité dans le transport spatial a de l'intérêt, donc qu'il faut qu'elle soit financée par cet État et donc qu'il finance les contrats qui seront donnés à leur industrie.
Comment bâtir ces programmes ? Comment les financer ? Quelles sont les règles du jeu ? Ça fait partie de mon travail de tous les jours, avec tous les États membres. C'était le cas pour Ariane 6, par exemple, qu'on a fait voler le 9 juillet.
Donc, on travaille là-dessus pour des ministériels, donc des réunions des ministres de tous ces États qui vont se réunir et décider où est-ce qu'ils mettent leur argent et pour quoi faire. Ça, c'est une grande partie de mon travail. Et bien sûr, ces relations avec les États membres, la communication, c'est pour ça qu'on s'est connus, toute la documentation juridique et autres, les analyses de marché et des programmes de commercialisation. J'ai la chance aussi de m'occuper d'un programme qui s'appelle Boost pour la commercialisation des transports spatiaux en Europe.
[00:11:02] Speaker B: Boost, c'est quoi la différence entre Boost et le reste de ton travail, du coup ?
[00:11:07] Speaker A: Alors, le reste de mon travail, c'est surtout bâtir ces programmes et communiquer sur ces programmes les fondements juridiques et analyser qu'est-ce qui se passe ailleurs dans le monde en termes de hautes services de lancement ou en termes de demandes à servir, demandes à savoir satellites dans le monde.
[00:11:22] Speaker B: D'accord.
[00:11:22] Speaker A: Ce qui est différent, c'est que l'ESA, c'est une organisation politique, certes, mais elle est surtout technique. Et donc, comme je suis dans le transport spatial, le fait d'avoir un programme, c'est très pragmatique. Donc, on va bâtir le programme, on va l'établir et après, on va le mener au jour le jour avec les industriels. C'est ça qui est un peu différent du reste, c'est-à-dire que là, on va passer des contrats.
on va établir quelles sont les conditions d'engagement financier et on va pour ça travailler avec chaque industriel en Europe. Ça, c'est très différent du reste que j'ai décrit.
[00:12:03] Speaker B: D'accord. Quand tu expliques ton travail à... Je sais que tu as des enfants.
Tu as un garçon et une fille.
[00:12:10] Speaker A: C'est ça.
[00:12:11] Speaker B: La plus grande, c'est la fille.
[00:12:12] Speaker A: Le garçon.
[00:12:13] Speaker B: Le garçon. Il a quel âge ?
[00:12:15] Speaker A: 14 ans.
[00:12:16] Speaker B: Et quand tu leur expliques ce que tu fais, tu leur expliques comment ? Parce que ça c'est un...
[00:12:21] Speaker A: Alors c'est vrai que quand il était tout petit, il croyait que moi j'étais là à construire le lanceur, non ? Avec mes propres mains, c'est ce qui fait rêver un enfant. Donc je lui explique qu'en Europe, pour faire du spatial, C'est très beau. Il faut que les États se mettent ensemble pour travailler pour un objectif qui est plus grand qu'une seule personne, qu'une seule nation, qu'un seul pays. Et pour ce faire, il faut avoir de bonnes idées, il faut leur donner forme.
Il faut les expliquer et ensuite aller en parler à ces Etats et aussi aux industriels qui vont être derrière ensuite à les mener. Voilà, donc je lui dis, c'est vrai, je ne suis pas là avec les mains dans le lanceur. Malheureusement, je ne vais pas te faire rêver ou te vendre autre chose, mais on est là pour construire et ensuite mener de l'avant avec tous ces industriels et ce tissu et les Etats membres derrière un projet comme peut l'être Ariensis. Donc, le mieux, c'est d'expliquer.
Comment, avec un lancement, Ariensi, c'est facile puisque on voit ce que ça donne. Et je pense que c'est vraiment la beauté de l'ESA, à savoir qu'on est une organisation politique, mais après, il y a de vrais projets, du hardware, dans le bon français, derrière, en ce qui me concerne, ensuite des lancements. Donc, il y a du concret derrière.
[00:13:35] Speaker B: Oui, c'est d'autant plus concret que quand on parle au grand public d'espace, il y a deux thématiques en général qui reviennent tout de suite. C'est un, les astronautes et deux, les fusées. Et donc, toi, ton rôle, c'est la stratégie des fusées.
[00:13:50] Speaker A: Du transport spatial. On a élargi le champ.
[00:13:52] Speaker B: Justement, ça m'intéresse parce que Fusée, c'est vraiment le mot que tout le monde connaît. Nous, on dit, on parle de lanceur déjà, qui a une petite différence sémantique. Et toi, tu parles de transport spatial. C'est quoi la différence entre être responsable des lanceurs ou des fusées et être responsable du transport spatial ?
[00:14:11] Speaker A: Alors, à l'ESA, pendant de nombreuses années, on a fait des lanceurs.
Donc, au début, il n'y avait qu'Ariane. Ensuite, on a élargi AVEGA. Et ensuite, on a fait une coopération avec les Russes pour lancer Soyouz de l'Aquitaine française.
[00:14:24] Speaker B: OK, mais ça, ça reste des fusées.
[00:14:25] Speaker A: Ça, c'était des lanceurs, mais on a élargi petit à petit. Après, il y a eu des projets qui ont vu la lumière du jour, à savoir Space Rider, par exemple, qui est une navette qui est portée par Vega, donc toujours la fusée ou le lanceur, mais qui après reste dans l'espace et revient. Donc, c'est le transport dans l'espace et de retour de l'espace. Ce n'est plus un lanceur, c'est du transport spatial. Malheureusement, on n'a pas aujourd'hui la capacité de mener des astronautes, mais dans ce sens, on a évolué.
depuis les lanceurs nous mènent, c'est un transport pour arriver dans l'espace, à un transport qui est dans l'espace et qui revient sur Terre de l'espace.
[00:15:00] Speaker B: D'accord, donc il y a vraiment toutes les strates du transport spatial. Donc on parle plus simplement de lanceurs ou de fusées, mais de transport spatial comme ça, c'est clair.
Merci. La question que j'ai envie de te poser, vraiment, c'est une journée type de Lucy à l'INRS, c'est quoi ?
[00:15:14] Speaker A: Une journée type, beaucoup avec les équipes. On fait beaucoup de travail, de préparation, d'idées et de réunions de travail. Interaction avec l'industrie, beaucoup avec nos États membres. Donc, à quoi ressemble une journée type ? Comme je disais, je ne suis pas dans une usine. Malheureusement, j'aime beaucoup aller visiter les industriels derrière, mais on est dans des bureaux, on est dans des réunions, on prépare et on fait beaucoup, on partage beaucoup d'idées.
pour pouvoir innover. Je pense que là-dessus, l'ESA est une organisation fantastique, à savoir qu'elle nous permet, à quelque échelle qu'on soit, et je peux le dire parce que j'ai fait depuis le plus bas niveau jusqu'à aujourd'hui, d'avoir une bonne idée, de la porter jusqu'au bout et d'essayer de convaincre et les industriels et nos hiérarchies et les Etats membres que ces idées voient la lumière du jour et deviennent une réalité.
comme peut l'être le programme Boost qu'on a créé en 2019, mais également des Space Riders à l'époque. Quelqu'un en a eu l'idée et elle a porté de l'avant.
[00:16:16] Speaker B: C'est-à-dire que ça commence par une idée que vous discutez entre vous, que vous discutez avec les industriels et de cette idée peut naître quelque chose qui va aller dans l'espace ensuite ou qui va emmener d'autres choses dans l'espace.
[00:16:28] Speaker A: Oui, une belle aventure spatiale en Europe avec les financements qui vont avec.
[00:16:35] Speaker B: C'est quoi le plus difficile dans ce travail, dans ce quotidien dont tu parles ?
[00:16:38] Speaker A: Peut-être le plus difficile, je dirais, c'est le fait d'avoir beaucoup, beaucoup d'activités en parallèle et où il n'y a pas forcément une grande priorité qui se dégage une seule. Il faut arriver à jongler avec beaucoup d'activités en même temps.
Mais je vais dire ce qu'il y a de positif, c'est que quand on a un environnement qui crée, qui amène du soutien et de la confiance et des gens autour de soi qui sont professionnels et qui vont livrer, je pense que ça rend la tâche beaucoup plus facile, heureusement.
[00:17:15] Speaker B: Et c'est l'environnement dans lequel tu évolues.
[00:17:18] Speaker A: Oui. J'ai eu la chance d'avoir cet environnement que j'ai eu depuis mes débuts. Bien sûr, il y a toujours des jours où on se porte moins bien. Mais je dois dire qu'en général, j'ai été entourée de personnes qui m'ont permis d'avoir cette confiance. Et je pense, dans la vie personnelle et professionnelle, c'est clé.
[00:17:38] Speaker B: Le soutien personnel, c'est vraiment une clé de la réussite professionnelle pour toi.
[00:17:44] Speaker A: Je le pense fermement. Oui, parce que le soutien, en fait, c'est la confiance, je pense. C'est plutôt la confiance qui crée qu'on n'ait pas peur d'agir et qu'on puisse oser sortir de sa zone de confort et de se dire je vais faire ce pas. Peut-être je ne me sens pas tout à fait prête, mais je vais essayer.
Et je vais essayer. Ce premier pas, c'est déjà le début de quelque chose de bien. Si on a autour de soi des gens qui sont compétents et qui ont surtout une bonne attitude, dans la confiance, ça fait toute la différence. Je dis toujours l'expérience et les qualifications, ça additionne, mais je pense l'attitude, ça multiplie.
[00:18:24] Speaker B: Tout à l'heure, tu as dit que tu étais passée par toutes les étapes dans ta carrière à l'agence.
[00:18:28] Speaker A: Oui.
[00:18:29] Speaker B: Mais tu as eu aussi une vie avant. On ne l'entend pas tellement dans ton accent, mais on l'entend dans ton nom, Lucía Linares. Tu es espagnole, c'est ça ?
[00:18:38] Speaker A: C'est ça, oui.
[00:18:39] Speaker B: Et donc, tu es née en Espagne, tu as grandi là-bas. Et qu'est-ce qui a fait qu'à un moment, tu es arrivée en France ?
[00:18:46] Speaker A: Alors, moi, je suis espagnole de Valence. D'ailleurs, je salue parce qu'il y a eu une catastrophe récente dans ma ville. Et je suis née juste après la dictature en Espagne. Et donc, mes parents, père athée, ma mère croyante, une éducation publique quand même très marquée encore par la religion.
Il se fait que mes parents, pour se mettre d'accord, ils ont décidé de me mettre à une école bilingue. Ils ont visité les écoles qui étaient à l'époque présentes dans ma ville et ils ont décidé de m'inscrire au lycée français de Valence. Donc c'est le lycée, un lycée comme tout le network de lycées français à l'étranger. Donc, il s'avère qu'ils ne parlaient pas la langue, mais ils ont décidé de le faire pour l'ouverture culturelle.
Parce que l'Espagne, à l'époque, elle regardait la France avec respect pour l'ouverture culturelle, surtout pour les gens qui, comme mon père, étaient un peu plus de gauche que les autres.
Donc voilà, j'ai commencé le lycée français à trois ans, donc j'ai un attachement tout particulier avec la France, puisqu'on avait très peu d'heures de classe de langue, littérature espagnole ou histoire de l'Espagne. C'était plutôt que du français.
Et donc, j'ai fait toutes mes études depuis les trois ans jusqu'au baccalauréat. Donc, de là, mon attachement à la France, avec plein de voyages en France, puis que tous les voyages d'études étaient en France. Et ensuite, oui, j'ai fait mes études universitaires en Espagne et en Allemagne, mais je suis ensuite revenue en France, d'abord à Nice, puis à Paris.
[00:20:21] Speaker B: Et OK, donc on comprend que ta trajectoire française, elle a été plantée déjà très tôt finalement. Mais quand tu es venue, quand tu as commencé tes études, c'était des études de droit, c'est ça ?
[00:20:36] Speaker A: Oui, j'ai eu une maîtrise en droit et puis après j'ai fait Sciences Po aussi. Mais en effet, c'était du droit.
[00:20:42] Speaker B: Et le droit, c'est quelque chose qui t'a attiré très tôt, très jeune ?
[00:20:48] Speaker A: Alors, à l'école, c'est vrai que quand il fallait choisir qu'est-ce qu'on allait faire, j'ai pris science et c'était science mixte à l'époque. Et donc, le proviseur a convoqué mes parents pour leur dire que j'avais dit que je voulais faire du droit, alors qu'il fallait que je fasse ingénieur.
C'était une école de 2500 élèves à l'époque. Et donc, mes parents étaient très surpris. Ils m'ont dit, mais pourquoi ? Et le proviseur, il a dit, c'est vraiment du gaspillage qu'elle aille faire du droit.
Elle doit prendre une carrière scientifique et surtout ingénieure. J'aimais beaucoup les mathématiques et la chimie. D'ailleurs, j'étais très bonne en maths.
Mais je n'ai pas voulu faire de l'ingénierie, j'ai voulu faire du droit. Et je me suis retrouvée après à l'Agence spatiale européenne.
[00:21:42] Speaker B: Entourée d'ingénieurs et de scientifiques. Voilà.
[00:21:44] Speaker A: Surtout que je ne suis pas rentrée dans le transport spatial au tout début, ou les lanceurs. J'étais dans une direction, la direction de l'administration. Mais très vite, j'ai voulu aller dans une direction technique chez nous. Et au bout d'un an, même pas, je suis passée aux lanceurs.
[00:22:03] Speaker B: D'accord, mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est qu'on comprend que tu voulais faire du droit. Mais quel est le rapport entre le droit et l'espace finalement ?
[00:22:15] Speaker A: Alors, quand j'ai fait mon choix, j'ai fini donc ma maîtrise, je suis allée faire un master, j'étais plutôt axée sur le droit de la concurrence.
Pour mon premier vrai job, j'avais fait un passage en cabinet d'avocat, j'avais déjà un contrat avec la Commission européenne dans la DG concurrence, c'était un contrat de courte durée, et voilà que s'est affiché un poste à l'Agence spatiale européenne et quelqu'un m'en a parlé.
Et il m'a dit, écoute, t'as qu'à postuler, on verra bien, t'as rien à perdre.
Et c'est vrai que la vacance de poste, donc la description était... Il y avait un aspect juridique, il y avait plusieurs parties juridiques et c'était un poste à part entière. Donc, j'ai fait demande. Je n'ai pas été retenue et on m'a dit que ce poste était déjà pour quelqu'un d'interne.
mais qu'il créait un poste de jeune diplômé stagiaire, que si cela m'intéressait, il le ferait pour moi. Et voilà, quand je m'y suis retrouvée, parfois, je dois dire dans la vie, je ne crois pas dans les trajectoires toutes tracées. Je n'ai d'ailleurs jamais pu répondre à cette interview type qui dit où est-ce que vous vous voyez dans cinq ans ?
[00:23:27] Speaker B: C'est vrai.
[00:23:28] Speaker A: Donc voilà.
[00:23:29] Speaker B: On t'a posé souvent cette question ?
[00:23:30] Speaker A: Au tout début, oui.
[00:23:31] Speaker B: Et tu répondais quoi du coup ?
[00:23:34] Speaker A: Je disais, alors là, voilà ce que dans le domaine où je me vois, mais je n'ai jamais pu répondre où je me vois dans cinq ans. Et dernièrement, mon directeur m'avait posé cette question. Je lui ai dit, pas ça, s'il te plaît, ne pose pas cette question.
[00:23:48] Speaker B: C'est une question que tu poses jamais, toi, quand tu... Jamais.
[00:23:53] Speaker A: Jamais, je ne pose cette question.
[00:23:54] Speaker B: Est-ce que tu en fais beaucoup d'interviews ?
[00:23:56] Speaker A: Jamais je n'ai posé cette question. Ou est-ce que vous voyez dans cinq ou dix ans ?
[00:23:59] Speaker B: Jamais.
C'est pas non plus une question qu'on a posée aux astronautes, du coup.
[00:24:03] Speaker A: C'est vrai. C'est vrai.
[00:24:07] Speaker B: C'est la réponse.
[00:24:08] Speaker A: Surtout que parfois, ils ne volent pas pendant dix ans, donc c'est un peu frustrant.
[00:24:12] Speaker B: C'est clair. D'accord, donc en fait, tu as fait ta carrière spatiale ou plutôt tu es rentrée dans le spatial un petit peu par hasard, si j'ai bien compris.
[00:24:20] Speaker A: Oui, un peu par hasard. Je me suis dit, on va voir ce que ça donne. Donc, j'ai répondu, j'ai renvoyé une réponse négative à la commission. Il m'avait déjà envoyé ce contrat. Je me suis dit bon, je vais essayer. C'est un an. À l'époque, c'était un contrat d'un an qui m'était proposé. Je dis, je suis jeune.
Qu'est ce que ça va donner ? On ne sait pas. Et donc, j'arrive. Et je pense que pour moi, c'était aussi le fait de sortir d'une zone de confort.
et voir qu'est-ce que c'était que cette organisation intergouvernementale et comment je pouvais apporter mon grain de sable. Donc au début, comme je disais, dans un service transverse et très vite, en passant à un service technique. Et là, c'était vraiment... J'ai ouvert les yeux et j'ai beaucoup, beaucoup appris parce que c'était tellement différent de moi, ce que je voyais.
[00:25:13] Speaker B: Dans quelle mesure ?
[00:25:14] Speaker A: J'étais entourée... En fait, je suis arrivée dans une direction des lanceurs à l'époque où ils étaient 50 personnes. À l'époque, le directeur des lanceurs, c'était Jean-Jacques Dordain, qui est ensuite devenu directeur général. Beaucoup d'hommes, beaucoup, beaucoup d'hommes, très peu de femmes, âge moyen très élevé.
Et j'étais jeune, femme, non ingénieure.
Donc voilà. Et je crois que c'était ça un peu ce qui me mettait la pression parce que je devais me sentir légitime. Donc je devais chercher ma place et chercher une légitimité. Mais ce qui m'a beaucoup poussée, avec ma curiosité à essayer de comprendre, à poser des questions, à m'entourer de gens qui m'ont beaucoup épaulée, qui m'ont aussi poussée dans mes limites. Et c'est ça, je crois, qui a fait en moi une autre personne. Vraiment, parce que j'avais 22 ans quand je suis arrivée à l'agence.
[00:26:13] Speaker B: T'avais 22 ans et t'avais, comme tu le décris, une culture finalement différente de la culture dans laquelle tu arrivais, qui était marquée par l'origine des gens, leur genre, et puis certainement la culture dans laquelle eux-mêmes avaient grandi, j'imagine.
[00:26:31] Speaker A: Oui, mais j'aimais aussi, c'était très rationnel, très rationnel, très structuré, très concret. Ça me plaisait. Il fallait agir, il y avait un livrable, il fallait être organisé. Et en même temps, il y avait aussi une partie pour la créativité, mais toujours une créativité très orientée à des résultats. Je me sentais bien dans cet environnement.
[00:26:53] Speaker B: Depuis, tu n'as plus du tout quitté le domaine des lanceurs et du transport spatial, finalement.
[00:26:57] Speaker A: C'est vrai. Je suis restée pas mal d'années.
[00:27:02] Speaker B: Et pas non plus le secteur du spatial. Pour toi, tu pourrais t'imaginer travailler dans un autre domaine maintenant, puisqu'on a dit que tu es arrivée là un peu par hasard. Est-ce que tu aurais pu arriver dans une autre industrie, vendre des yaourts ? Ou, je ne sais pas, travailler dans une autre organisation internationale ?
[00:27:18] Speaker A: Je ne sais pas s'ils vendent des yaourts. J'aime bien les yaourts. Mais je crois que ce que j'ai trouvé qui m'a plu, et c'est certainement pourquoi j'y suis restée si longtemps. On ne sait jamais de quoi l'avenir sera fait. Je n'aime pas me projeter à cinq, dix ans ou dire jamais où c'est sûr que je vais rester. Mais ce qui m'a plu, c'est cette combinaison, comme je disais, d'un travail structuré avec une sortie très claire. Qu'est-ce qu'on fait ? Voilà, c'est un projet. Il va y avoir des livrables. On va... Et ce côté public, c'est-à-dire qu'on est là pour un objectif qui est au-delà des retombées économiques pour soi ou pour une entreprise en particulier. Et sans une coopération, même au niveau de l'ESA, entre beaucoup de gens qui ont des profits très différents et qui doivent se mettre, retrancher les manches et commencer à travailler ensemble et se dire c'est plus grand que moi, moi j'ai pas d'intérêt personnel là-dedans, ni ma nationalité, ni ma carrière.
Ce n'est pas mon programme. Je le fais pour le bien de l'Europe et je sers au mieux l'intérêt du contribuable. Je pense que ça, pour moi, ça me remplit d'honneur que je puisse travailler dans cet objectif.
[00:28:32] Speaker B: Et justement, tu parles d'un objectif européen.
T'es née en Espagne, on a compris ton attachement à la France de par ton éducation. Est-ce qu'aujourd'hui, tu te sens quoi, française, espagnole, européenne ?
[00:28:44] Speaker A: C'est difficile à dire parce que c'est vrai que je suis espagnole, mon seul passeport est l'espagnol, mais quand on, je dois dire, quand on suit une éducation depuis le plus jeune âge, avec l'éducation française, ça marque à jamais. Je veux dire, il n'y a rien comme l'éducation pour faire entrer des idées dans la tête d'un être humain.
[00:29:04] Speaker B: Oui, mais tu aurais pu... Maintenant, tu es une adulte, tu aurais pu réagir.
[00:29:07] Speaker A: Par rapport à ça, par exemple. Oui, sauf que c'est vrai que je vis en France depuis beaucoup plus d'années que je n'ai vécu en Espagne. Donc là, à Paris, c'est la ville où j'ai le plus vécu. Et je me sens bien avec cette culture. Je pense que je me sens beaucoup plus identifiée avec certains aspects de la culture française que je ne me sens identifiée avec la culture espagnole.
Souvent dans les échanges, dans les échanges politiques, culturels, mais aussi comment on se réunit autour d'une table et on peut parler...
[00:29:37] Speaker B: En mangeant.
[00:29:37] Speaker A: En mangeant et de tout. C'est souvent pas possible en Espagne de parler politique.
[00:29:41] Speaker B: Ah oui. Et en France, c'est le sport national, finalement.
[00:29:45] Speaker A: Oui, mais avec un respect certain, même si on a nos propres opinions.
[00:29:49] Speaker B: On a parlé de Ariane tout à l'heure, t'as mentionné ce nom déjà, parce qu'évidemment, Ariane, c'est, pour le domaine des lanceurs européens, le nom qui résonne. Qui résonne, évidemment. C'est le nom qui est un petit peu partout. À une époque, j'avais même la fuse d'Ariane dans mon passeport. Je sais pas si tu te souviens.
[00:30:07] Speaker A: Oui, tout à fait. Oui, sur les pages intérieures où ça apparaît en...
un peu en transparence comme.
[00:30:12] Speaker B: Ça, il y avait le TGV, il y avait Ariane. Donc vraiment Ariane c'est je pense une fusée, le nom en tout cas d'une fusée que beaucoup de gens connaissent en France. Ariane a connu une phase fast avec Ariane 5 qui était vraiment un succès incroyable et puis Il y a eu un moment étrange ces dernières années où il y a eu un décalage entre la fin d'Ariane 5 et le début d'Ariane 6. Et malheureusement, dans cette période-là, sur le deuxième lanceur de l'ESA qui s'appelle Vega C, on a eu aussi un accident. Ce qui fait qu'en gros, l'Europe a été clouée au sol pendant une période. Toi, comment tu l'as ressenti personnellement, cette phase ?
[00:31:00] Speaker A: Je l'ai ressenti au premier niveau parce que, bien sûr, on est avec les équipes à voir comment, à la fin, on est du transport spatial, donc on sert des missions de l'ESA, de l'Union européenne, des États membres, pour voir comment on pouvait donner accès avec d'autres fusées, même celles américaines. Donc, c'était d'abord très pragmatique. Voyons comment est-ce qu'il y a des missions qui ont besoin d'être lancées pendant qu'on n'a pas cet accès à l'espace, puisque Ariane 5 s'est arrêtée en juillet 2023. C'était son dernier vol et on avait du retard avec Ariane 6. Et comme tu le disais, on a eu un échec avec Vegas et au deuxième vol, donc au vol commercial, on a tiré le premier vol comme il fallait. Puis après, on a eu un échec. Donc d'abord, comment on donne accès et comment on réachemine certaines missions pour lesquelles le vol, pendant une période donnée, est essentiel, vers d'autres lanceurs. Il faut être pragmatique. Mais ensuite, c'est vrai qu'il fallait expliquer. On se doit d'expliquer où est-ce qu'on est. Il y avait Ariane 5, Ariane 6. Il y a aussi, à part Vegas, le fait que Soyouz, et quand même je veux me souvenir que j'ai été en 2003, donc je me suis beaucoup occupée des négociations, des accords avec la Russie pour amener Soyouz au CSG, au port spatial de l'Europe. Et malheureusement, après la guerre de la Russie en Ukraine, en février 2022, du jour au lendemain, cette coopération s'est arrêtée.
[00:32:34] Speaker B: Oui, parce qu'une solution de repli, ça aurait pu être effectivement Soyouz, la troisième possibilité. Mais l'invasion de la Russie, pardon, de.
[00:32:44] Speaker A: L'Ukraine par la Russie, a empêché finalement.
[00:32:47] Speaker B: Qu'On puisse avoir recours à Soyouz. D'ailleurs, ça a signifié que tous les Russes qui vivaient finalement en Guyane française, travaillaient sur le port spatial, sont rentrés plus ou moins du jour au lendemain en Russie, ont quitté la Guyane.
[00:33:03] Speaker A: Oui. Alors, à tel point Soyouz était essentiel pour l'Europe que le premier lancement de Soyouz était un Galileo et que Galileo devait continuer d'être lancé par Soyouz le temps qu'Ariens 6 deviendrait opérationnel.
[00:33:19] Speaker B: Galileo, c'est le système de navigation européen.
[00:33:21] Speaker A: Oui. Et donc, je dois dire que ça a été une très belle coopération avec la Russie. Vraiment. Et tous ces Russes qui étaient sur place à Sina Marie, en Guyane française, ils étaient vraiment dévoués. Je me rappelle comment on est arrivé à ces accords, comment on est allé sur place, voir comment avancer les travaux. Donc, c'est un petit pincement au cœur, mais quand même.
Soyouz n'étant plus disponible, ayant un retard avec Ariane 6, Vegas-C qui devait retourner en vol. On se devait d'expliquer aussi au public pourquoi on était là, qu'est-ce qu'on faisait pour reprendre la main là-dessus, pour redonner l'accès européen à l'espace. Donc, à part le travail en arrière boutique, je dois dire toutes les équipes qui travaillent nuit et jour et c'est vraiment nuit et jour et pas qu'à l'ESA, mais partout dans l'industrie, ce travail d'expliquer même si, bien sûr, la presse était là pour poser les questions comme il se doit. Donc, je pense que j'ai vécu ces deux côtés en tant que porte-parole et en tant que membre d'une équipe qui doit porter de l'avant le travail.
C'était, je veux dire, on se doit de le faire, mais par moments, c'est vrai que c'était dur. C'était dur.
[00:34:39] Speaker B: C'était dur et j'imagine qu'il y avait aussi toute une forme d'angoisse un peu collective parce que c'est pas comme si on savait que ça allait durer un an ou que ça allait durer six mois. C'est qu'en permanence, il y avait cette incertitude de quand on allait vraiment pouvoir lancer Ariane 6.
[00:34:56] Speaker A: Alors là-dessus, je dois dire qu'il y a eu un groupe de travail qui a été mis en place par notre directeur général, M. H. Bachin, avec l'industrie, l'Agence spatiale française, Arianespace, donc Ariane Group, Arianespace, le CNES, ELESA, qui a suivi au plus haut niveau le planning, et le planning n'a pas bougé.
Pendant de longs mois, on a dit quand on allait lancer et on a lancé le 9 juillet. Et donc, c'est vrai qu'à un moment donné, quand on a un grand objectif, si tout le monde se met autour de cet objectif de façon régulière, on y arrive. Et je dois dire que ce planning, il a été tenu, heureusement. Après, maintenant, il faut continuer. Le travail n'est pas fini.
[00:35:39] Speaker B: Bien sûr. Et qu'est-ce que ça a impliqué pour toi cette période ? Parce que tu parles de représentation. Cette période, elle a été spéciale pour toi ? De quelle manière finalement ?
[00:35:52] Speaker A: Sur la partie de la représentation et la thèse spéciale, parce que en tant que porte-parole, vraiment, c'est un privilège, mais c'est aussi un grand stress. On est là avec...
C'est comme ça, je le vis comme ça, parce que je... En tant que porte-parole, on porte la parole de tous ces gens qui travaillent derrière.
[00:36:11] Speaker B: Oui.
[00:36:11] Speaker A: Et donc, quand on est avec des journalistes, qu'on soit en Guyane pendant deux jours, quand on a verticalisé l'étage, ou après pour le lancement, c'est en permanence pour expliquer pourquoi on est là.
Toute question qui peut venir, il faut y répondre. Il faut y répondre de façon honnête, transparente, et en respectant tous les gens qui travaillent derrière.
Voilà, jusqu'au 9 juillet et encore le lendemain, je l'ai vécu avec beaucoup d'enthousiasme, bien sûr, beaucoup d'énergie, mais aussi pas mal de stress, c'est normal.
[00:36:47] Speaker B: Ce travail avec les journalistes, avec le monde extérieur, finalement, pour toi qui est une juriste, qui ensuite a appris ta carrière ou a développé ta carrière au sein de l'agence spatiale, c'est quelque chose que tu appréhendes comment, finalement ?
[00:37:04] Speaker A: Je l'appréhende, comme je disais, avec beaucoup de respect et j'essaye de prendre un peu de recul et de voir comment est-ce que ces messages, qui pour nous, peut-être sont très clairs parce qu'on y travaille au jour le jour, mais dans le guidon, peuvent arriver au travers des journalistes au grand public. Et donc, c'est toujours ce respect pour le grand public et pour expliquer au plus clair possible des messages qui, en soi, sont parfois assez compliqués.
[00:37:34] Speaker B: Oui, quand on travaille avec des choses techniques, c'est toujours compliqué d'expliquer. Peut-être que, justement, d'avoir des enfants, ça te permet de t'entraîner à utiliser des mots simples ou d'expliquer des idées compliquées, parce qu'il y a la complexité technique, mais il y a aussi la complexité politique.
[00:37:53] Speaker A: Oui, de tissus industriels, des rôles de chacun. C'est vrai que, surtout avec Ariane 6, beaucoup de choses passaient sur les médias. Donc, j'avais pas mal de questions de mon fils, qui a 14 ans, ma fille 11 ans. Donc, il posait beaucoup de questions. Donc, j'ai essayé de leur expliquer. C'est un bon entraînement parce qu'il pose plein de questions qui semblent très simples, mais en fait, sont très compliquées.
[00:38:18] Speaker B: Genre quoi ? C'est quoi la question la plus... Par.
[00:38:21] Speaker A: Exemple, c'est vrai qu'ils n'arrivent pas à comprendre comment ça se fait. Il y a l'ESA, il n'y a rien de groupe, il n'y a rien d'espace. Il y a l'Agence spatiale française. Qui fait quoi ? Pourquoi tellement de gens ? Qui est responsable ?
[00:38:33] Speaker B: In fine... Et ça, c'est difficile à expliquer avec des mots simples ?
[00:38:38] Speaker A: Pas ça. Mais bon, c'est vrai qu'il faut expliquer pourquoi. Je pense le plus important, c'est expliquer pourquoi. Toujours dans la vie.
[00:38:45] Speaker B: Pourquoi tu dirais alors ?
[00:38:47] Speaker A: Pourquoi il y a eu un rôle ? Je veux dire, pourquoi il y a une agence spatiale française et les arts dans ce rôle Ariane 6, au-delà du fait que le CNES est aussi contractant pour le sol ? Il y a un rôle historique prépondérant dans Ariane et c'est grâce à l'agence spatiale française qu'on est aujourd'hui ici aussi quand même. Il faut regarder en arrière depuis Ariane 1. Donc ce pourquoi, il faut l'expliquer aussi au travers de l'industrie. On a Ariane Espaces qui s'occupe des opérations, on a Ariane Groupes qui est un prime, mais tout un tissu industriel derrière. Donc, expliquer ça avec des mots simples et courts, parce qu'au-delà de 30 secondes, ça devient un peu lassant pour les enfants.
[00:39:29] Speaker B: Bien sûr. Et donc, on a compris cette période un petit peu difficile, un petit peu compliquée.
Elle a pris fin l'été dernier avec le lancement d'Ariane 6, le premier lancement d'Ariane 6. Comment tu l'as vécu, finalement, cette journée ?
[00:39:47] Speaker A: C'était très intense, à savoir, moi, j'ai choisi de ne pas être à Jupiter, qui est le centre où on suit le lancement avec toutes les commandes. C'est très impressionnant. J'ai choisi d'être sur le site extérieur.
[00:39:59] Speaker B: À Kourou.
[00:40:00] Speaker A: En effet, j'étais à Corot avec les journalistes pendant quatre jours et je l'ai suivi de ce point de vue extérieur. On est au milieu de la jungle, donc déjà, il y a un contraste entre la partie amazone, très humide, très, comment dire, dans le vert, dans la nature, et le plus haut niveau technologique qui soit, qu'on est dans un port spatial avec des lanceurs, Ariane, Vega, les différents sites. Donc il y a déjà tout ce contraste. C'est fascinant. Et ensuite, le jour J, on est sur place. On n'a fait un briefing, on ne sait pas si la chronologie va suivre jusqu'au bout. On sait qu'il y a une période où on ne peut plus aller en arrière. Et là, on voit qu'on l'a dépassé et on entend le décompte.
Et je dois dire, on regardait, j'avais les jambes qui tremblaient. Et donc, c'était... Mais on a vu Ariane 6 majestueuse, beaucoup plus qu'Ariane 5, en tant qu'elle est plus svelte. Donc, c'était très beau à voir. Et c'était un grand moment que je n'oublierai jamais, je pense.
avec les interviews aux astronautes en deuxième. Mais pour moi, Ariane 6, c'était un grand moment parce que j'avais vu Ariane 4, Ariane 5, mais c'était le projet qui a vu la lumière en 2014, qu'on a porté au ministre à une réunion ministérielle et que je voyais décoller... 10 ans plus tard. 10 ans plus tard, en effet.
[00:41:29] Speaker B: Tu sais, moi, je me laisse toujours prendre émotionnellement par les lancements parce que je ne suis vraiment pas...
Alors moi, personne ne m'a jamais dit que je devais faire ingénieur comme toi. Personne.
Aucun conseiller d'orientation n'est venu me voir en disant à mes parents, il faut absolument qu'ils soient ingénieurs.
[00:41:45] Speaker A: Non, mais peut-être autre chose. Littérature !
[00:41:48] Speaker B: C'est sûr que la technique, ça n'a jamais été mon truc. Et d'ailleurs, je ne suis vraiment pas bon. Je n'ai jamais rien réparé chez moi. C'est une catastrophe.
Et donc, je me dis toujours que les décollages de fusées finalement, c'est très important pour la cause qu'on défend, pour le programme qu'on défend, mais j'ai jamais l'impression qu'émotionnellement ça va être quelque chose de... pour moi, tu vois. Et quand j'ai vu Ariane 6 sur le pas de tir, donc moi j'étais à Paris, bien sûr j'étais pas en Guyane française, mais de voir cette fusée sur son pas de tir, En live comme ça, une fusée, je ne sais pas, rien de si simple, on en parlait pendant des années, on a parlé de ça, on a parlé de sa date de lancement, on a parlé de ses capacités, c'était vraiment un phare un petit peu.
Et puis de l'attendre aussi longtemps, tout d'un coup de la voir debout sur son pas de tir, avec, je dirais pas la certitude, mais en tout cas l'attente qu'on allait la voir décoller, ça paraissait presque, en fait, presque irréel.
[00:43:00] Speaker A: Oui, je pense que les équipes derrière, donc mes collègues que j'admire, qui ont porté Ariensis jusque là, ils y croyaient vraiment. Personne n'a pensé que c'était irréel. Je dois dire que personne qui va, je pense, Personne qui va en Guyane française et voit un décollage peut être insensible à ça. Même si on n'est pas porté par le spatial, même si on n'a pas été enfant à regarder des films sur le spatial et à être...
en admiration. Une fois on est sur place, c'est un tel, c'est un tel déploiement de force et de bruit et c'est basique. Je pense que c'est tellement basique que ça réveille tous les sens. C'est une grande aventure humaine et quand on voit décoller et tout assembler et cette force physique qui décolle de terre, c'est impossible d'être indifférent. C'est impossible.
Je n'ai jamais eu un retour qui ne soit enthousiaste, même des plus sceptiques.
[00:44:07] Speaker B: Oui, c'est ce que je voulais dire par là. Même moi qui ne fais pas partie des sceptiques, bien sûr, mais je ne fais pas partie des gens qui comprennent quoi que ce soit à la mécanique d'un lancement spatial. Et pourtant, d'être là au moment où une fusée part, il y a, comme tu dis, quelque chose de très instinctif qui enthousiasme de manière naturelle. C'est bizarre.
[00:44:33] Speaker A: Et c'est un tel effort. C'est un tel effort. Et même, je veux dire, même si on n'y a pas travaillé directement, on sait qu'il y a un tel effort et un tel déploiement de professionnalisme, d'heures investies en coopération. Et on voit un aboutissement comme ça en quelques minutes. Après, il va y avoir du récurrent, bien sûr, mais le premier vol est toujours quelque chose d'exceptionnel.
[00:44:55] Speaker B: Et donc toi, tu dis que tu étais Donc pas dans Jupiter, pas dans la salle de contrôle à Kourou, au centre spatial, mais à l'extérieur. Ça veut dire que tu as pu aussi voir le décollage, pas sur un écran, mais avec tes yeux.
[00:45:09] Speaker A: C'est pour ça que je voulais être à l'extérieur, parce que le premier vol de Soyouz, c'était pareil. J'avais vu de l'extérieur. Pour moi, c'est vrai que voir Jupiter, la salle de contrôle avec toutes les commandes, c'est assez impressionnant.
mais de l'entendre et de le voir de ses propres yeux en direct, même à distance, bien sûr. Pour moi, ça n'a pas de comparaison possible.
[00:45:32] Speaker B: Et c'est une journée qui s'est terminée dans la joie, j'imagine, dans le soulagement aussi, peut-être.
[00:45:40] Speaker A: Oui, vraiment. Bien sûr, on ne va pas dire le contraire. C'est du soulagement parce qu'on a toujours cette petite crainte. On a tout fait pour que ça marche, mais ça peut ne pas marcher. On a tout fait, mais ça peut ne pas marcher. Donc, on finit, on dit. On a attendu quand même parce qu'il fallait. Le décollage n'était pas tout. Il fallait attendre toutes les phases. Et après, on a pu se dire voilà, on y est. On l'a fait.
Et encore, il y a des étapes.
à franchir, parce que le premier vol n'est pas tout. Mais on a franchi cette étape qui était cruciale.
[00:46:13] Speaker B: Et donc aujourd'hui, toi, ton quotidien, maintenant que Ariane 6 est lancée, tu as parlé d'un autre programme qui s'appelle Boost. En quoi ça consiste ce programme Boost ?
[00:46:25] Speaker A: Alors Boost, en Europe, on a toujours entrepris le développement des lanceurs comme une une activité plutôt portée par le public à 100 %, où on finançait un développement d'un lanceur qui allait servir les besoins de l'Europe, d'abord des États, de l'ESA, de l'Union européenne, de MEDSAT, et ensuite allait aller sur le commercial pour que ce soit moins cher pour le contribuable.
On s'est rendu compte à partir de 2017-2018 que non seulement aux États-Unis, mais également en Europe, il y avait une volonté d'entreprendre et donc de mettre des fonds privés pour le transport spatial, donc pour les lanceurs tout d'abord, pour les micro-lanceurs d'abord.
Et que donc, il y avait des gens qui croyaient qu'ils pouvaient faire de cette activité une entreprise privée. Et donc on s'est dit, il faut les encourager. Et on a créé ce programme en 2019, qui s'appelle Boost, qui sert à co-financer de tels projets en Europe, quand ils sont proches de la phase commerciale, à savoir, ils ont déjà enclenché un développement.
et sur la base de critères techniques, de viabilité financière et commerciale, on les co-finance, donc on analyse leurs dossiers et l'Agence spatiale européenne finance en partie ce développement.
[00:47:42] Speaker B: Et quand tu parles de micro lanceurs, c'est quoi un micro lanceur ?
[00:47:46] Speaker A: C'est des petits lanceurs qui font environ, on va dire, 500-600 kg. Il n'y a pas de vraie définition, mais ce n'est pas le niveau de Vega ni d'Ariane. On est en deçà de la capacité, 500-600 kg en orbite.
[00:47:59] Speaker B: D'accord. Et ils partent d'où ces micro lanceurs ?
[00:48:01] Speaker A: De partout. Donc les projets, c'est en Europe depuis la Guyane française, le site Diamant qui est en développement, mais aussi l'ancien site Soyouz. Il y a aussi au Royaume-Uni.
D'accord. Également en Suède et en Norvège, des projets.
[00:48:21] Speaker B: A Kiruna, en Suède, c'est ça ?
[00:48:22] Speaker A: Non. À Esrange, en Suède. À Andøja, à Norvège. D'accord.
[00:48:29] Speaker B: Et c'est aussi émouvant de voir ces micro-lanceurs, ou pas ?
[00:48:32] Speaker A: Alors, on n'en a pas encore lancé en capacité orbitale. Il n'y a eu que le Miura 1 espagnol, mais c'était suborbital. Donc, on attend ces premiers lancements. Les premiers devraient intervenir fin de cette année, début de l'année prochaine. C'est vrai que c'est des projets entièrement privés, donc sous leadership privé, mais avec du financement public, d'ailleurs, pour tous.
[00:48:57] Speaker B: Et évidemment, exclusivement européens ou alors il y a des coopérations aussi internationales sur...
[00:49:01] Speaker A: Européens pour la souveraineté. C'est vrai que nous, à l'ESA, on favorise que ce soit depuis le territoire européen, par un opérateur européen et avec une chaîne industrielle européenne. D'ailleurs, la prochaine étape sera le European Launcher Challenge, qui ira une étape plus loin.
[00:49:20] Speaker B: Le challenge européen des lanceurs, c'est quoi cette étape ?
[00:49:24] Speaker A: À Séville en 2023, les États nous ont demandé de préparer ce défi et donc de préparer d'autres services de lancement qu'Ariane et Vega au travers d'une initiative privée qui serait cofinancée à un niveau plus élevé que Boost. Boost n'était que le précurseur pour qu'on prépare le prochain lanceur européen ce qui, in fine, serait un concurrent d'Ariane 6 et Vegas C aussi pour le futur, puisqu'on voit qu'il y a une demande accrue aussi en Europe.
[00:49:58] Speaker B: Demain, l'Europe sera pleine de petits lanceurs et de lanceurs moyens et de lanceurs lourds.
[00:50:03] Speaker A: Si c'est le cas, ce serait une bonne nouvelle. Ça veut dire qu'il y a une ambition et un essor européen et des besoins accrus.
[00:50:11] Speaker B: Et donc, je t'ai demandé de m'apporter un petit objet ou un gros objet, d'ailleurs, qui symbolise ton attachement au spatial.
[00:50:19] Speaker A: Alors, c'est vrai que j'aurais pu amener des maquettes, mais ça, c'est très classique. Et donc, ce que j'ai toujours dans mon porte-clés, c'est ce lanceur, on va dire, que mon fils a fait quand il avait, je crois, 6 ou 7 ans.
[00:50:36] Speaker B: Ça, c'est un vaisseau spatial, non ?
[00:50:37] Speaker A: Oui, mais pour lui, c'était le lanceur. Il avait 6 ans ou 7, voilà. Et donc, on en a fait un porte-clés, puisqu'il a collé les petits bouts.
[00:50:46] Speaker B: Oh, c'est mignon.
[00:50:47] Speaker A: Et voilà. Donc, c'est mes clés de maison.
[00:50:50] Speaker B: C'est trop mignon. Et t'as toujours ça sur toi.
[00:50:53] Speaker A: Ouais.
[00:50:53] Speaker B: Et quand les gens le voient, qu'ils savent pas que tu travailles dans le spatial, ils comprennent ?
[00:50:57] Speaker A: Pas vraiment, parce que si tu veux, il faut vraiment se rapprocher pour voir ce que c'est. On voit juste des couleurs. Mais c'est mignon, je trouve. Non, c'est très mignon.
[00:51:06] Speaker B: Il y a une question que je pose à toutes les invitées. C'est la question « moins plus ». Est-ce que tu sais ce que c'est la question « moins plus » ? Non. La question, en gros, c'est depuis le début de ta carrière, si c'était à refaire, qu'est-ce que tu aurais aimé faire moins et qu'est-ce que tu aurais aimé faire plus ?
[00:51:28] Speaker A: C'est une de ces questions pour lesquelles je n'ai pas de réponse, vraiment, parce que j'essaye de ne pas regarder en arrière et avoir des regrets. D'ailleurs, je n'en ai jamais eu, je crois. J'essaye de changer ce qui peut être changé au jour le jour et j'essaye de ne pas me focaliser sur ce qui ne peut pas être changé. Donc, je ne saurais pas dire ce que j'aimerais faire plus ou moins dans ma carrière, je n'ai pas de regrets.
[00:51:59] Speaker B: Mais on apprend quand même.
[00:52:00] Speaker A: Oui.
[00:52:01] Speaker B: D'accord, quand on a vécu sa vie personnelle et professionnelle, on a appris. Quelle est la chose, à ton avis, que tu as apprise, la chose la plus précieuse que tu as apprise et que tu aurais bien voulu savoir au.
[00:52:15] Speaker A: Début, par exemple ? Alors, je dirais peut-être la chose que j'ai apprise, parce que je l'ai apprise parce que j'ai vécu plein de choses entre deux. Donc, je ne suis pas sûre que j'aurais voulu le savoir avant. Mais je dirais peut-être à essayer de prendre du... Les relations interpersonnelles, à la fin, et je parle du travail seulement, c'est ce qui fait toute la différence. Et peut-être à essayer de prendre du recul quand il y a des relations qui n'apportent pas grand-chose.
Donc ça prend un peu de temps, mais je pense aussi avec l'expérience, on apprend à prendre du recul par rapport à certaines relations professionnelles ou des gens qui n'apportent pas grand chose dans les relations professionnelles.
[00:53:04] Speaker B: Est-ce que tu as un livre spatial préféré ? Il y a plein de livres qui parlent d'espace. Est-ce que c'est quelque chose que tu as un livre fétiche qui parle du spatial ?
[00:53:13] Speaker A: Je n'ai pas de livre étiche. Je dois dire qu'au tout début de ma carrière, justement, pour ce que je pensais que je devais faire, me mettre à niveau, j'ai beaucoup lu, mais surtout sur les parties plus techniques de ce qu'est la propulsion, les structures, la mécanique. Aussi, pas mal de divulgations de Galfard sur l'univers. Je trouvais qu'il était très didactique.
Mais je n'ai pas de livre fétiche en particulier. D'ailleurs, j'essaie de lire autre chose que du spatial, si ce n'est des documents, bien sûr, mais dans ma vie privée...
[00:53:46] Speaker B: Quand tu es à la maison, tu lis d'autres choses ?
[00:53:48] Speaker A: Je travaille. Si je ne travaille pas, là, j'essaie de lire autre chose et de m'alimenter d'autres choses que le spatial.
[00:53:54] Speaker B: Et c'est pareil au cinéma, où t'as quand même, par acquis de conscience, vu les films classiques ?
[00:53:59] Speaker A: Oui, bien sûr. Je veux dire, Star Wars, je l'ai vu quand j'étais petite. Je me rappelle être avec mon père à prendre vidéo.
Il y avait encore VHS et bêta. Il fallait choisir. Donc, 4, 5, 6, bien sûr, je les ai vus. 2001, Odyssée dans l'espace. Mais je me rappelle particulièrement de Star Wars qu'on allait voir et on revoyait, revoyait. Et sinon, j'ai beaucoup aimé, par exemple, Gattaca.
Où il y a... C'est la toile de fond, bien sûr, le spatial. Mais j'ai beaucoup aimé ce film aussi, plus récemment.
[00:54:31] Speaker B: Est-ce que tu avais un conseil à donner à une jeune personne qui voudrait se lancer dans une carrière spatiale aujourd'hui ? Qu'est-ce que tu...
[00:54:40] Speaker A: Je lui dirais qu'il y a une place pour tout le monde dans le spatial. On a envie de faire. On a envie de changer les choses. Il ne faut pas s'arrêter. Et aussi, je pense que que ce soit les hommes ou les femmes, parfois on est les premiers à se mettre des obstacles. On est toujours à penser, je ne vais pas y arriver, je ne vais pas pouvoir. Ça n'empêche, il faut être modeste. Ce n'est pas une question d'arrogance ou de se croire capable de tout faire. On peut apprendre et il faut faire ce premier pas pour aller de l'avant. Après, tout est plus facile.
[00:55:11] Speaker B: Merci, merci beaucoup Lucia.
[00:55:13] Speaker A: Merci à toi Jules, c'était un plaisir. C'est très agréable ici.
[00:55:16] Speaker B: Bah oui, j'espère, j'espère.
[00:55:17] Speaker A: On est dans nos petits canapés.
[00:55:18] Speaker B: C'est clair. Merci aussi d'être une de celles qui font l'espace.
[00:55:23] Speaker A: Merci à toi.
[00:55:25] Speaker B: Merci d'avoir écouté cet épisode de Elles font l'espace avec le soutien de l'Académie spatiale d'Île-de-France.
Cet épisode était produit et réalisé par François Bonnet, Cyril Nobillet et Yann Famoutri. Si vous avez aimé, n'hésitez pas à le partager et à nous mettre plein d'étoiles. Et nous, on se retrouve très vite sur vos plateformes préférées pour un nouvel épisode de « Elles font l'espace ».