Episode 1

August 08, 2024

00:42:15

De l'ombre à la lumière, Fatima Iervolino

Hosted by

Jules Grandsire
De l'ombre à la lumière, Fatima Iervolino
Elles font l'Espace
De l'ombre à la lumière, Fatima Iervolino

Aug 08 2024 | 00:42:15

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Show Notes

Dans cet épisode, je reçois Fatima Iervolino, ingénieure spatiale chez ArianeGroup. Son job, c'est de surveiller l'espace pour s'assurer qu'aucun objet ne se trouve sur la trajectoire des fusées Ariane pendant le décollage. Vous allez l'entendre, elle a eu un parcours assez extraordinaire, elle n'a pas toujours été bien conseillée, elle a eu droit à plusieurs propositions de mariages arrangés, mais cela ne l'a pas empêché de garder son énergie positive pour contruire une école, devenir professeure de danse, mère de trois enfants et réaliser son rêve d'espace. Comment en ariver là quand on vous destine à une vie de femme au foyer? C'est ce qu'elle nous raconte...

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Direction artistique et éditoriale: Jules Grandsire
Direction de la production et musique originale : François Bonnet, Cyrille Nobilet et Jan Pham Huu Tri
Prise de son: François Bonnet
Montage: François Bonnet
Musique originale: Jan Pham Huu Tri

Cet épisode est produit avec le soutient de l'Académie spatiale d'Ile de France

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Direction artistique et éditoriale: Jules Grandsire
Direction de la production et musique originale : François Bonnet, Cyrille Nobilet et Jan Pham Huu Tri
Prise de son: François Bonnet
Montage: François Bonnet
Musique originale: Jan Pham Huu Tri

 

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Episode Transcript

[00:00:04] Speaker A: Dans l'univers du spatial, j'entends tous les jours qu'il faut qu'on s'adresse plus aux femmes. Moi, j'ai surtout l'impression qu'on oublie de les écouter. C'est un monde qui a une image très masculine, on ne va pas se le cacher, mais j'ai envie que ça change. Pour ça, il me semble que le meilleur moyen, c'est de recevoir et de découvrir ces femmes qui font l'espace. Qui sont-elles ? Quel est leur parcours ? Quelles sont les difficultés qu'elles rencontrent ? Quel est ce lien qui les unit au spatial ? Je suis Jules Grandsire et vous écoutez « Elles font l'espace ». [00:00:34] Speaker B: « Quand on grandit dans l'ombre, c'est compliqué de grandir dans la lumière plus tard. [00:00:40] Speaker A: » Aujourd'hui, je reçois Fatima Iarvolino. Fatima est ingénieure spatiale chez Ariane Group. Son job, c'est de surveiller l'espace pour s'assurer qu'il n'y a aucun objet qui se trouve sur la trajectoire des fusées Arianne pendant le décollage. Vous allez l'entendre, elle a eu un parcours assez extraordinaire. Elle n'a pas toujours été bien conseillée, elle a eu le droit à plusieurs propositions de mariage arrangé, mais ça ne l'a pas empêché de garder son énergie positive pour construire une école, devenir prof de danse, mère de trois enfants et d'avoir aujourd'hui un poste super important dans le spatial. Comment en arriver là quand on te destine à une vie de femme au foyer ? C'est ce qu'elle nous raconte dans cet entretien que j'ai trouvé à la fois passionnant et inspirant. Bonjour, Fatima. [00:01:19] Speaker B: Bonjour, Jules. [00:01:20] Speaker A: Alors Fatima, on se connaît un petit peu. Tous les deux, tu travailles chez Ariane Group. [00:01:24] Speaker B: Oui. [00:01:24] Speaker A: C'est une des grandes entreprises du spatial européen. [00:01:27] Speaker B: Tout à fait. [00:01:28] Speaker A: Notamment, on reconnaît dans le nom, c'est l'entreprise qui fabrique la fusée Ariane. [00:01:32] Speaker B: Oui. [00:01:32] Speaker A: Bien connue. Mais ce n'est pas là qu'on s'est rencontrés la première fois. Il me semble qu'on s'est croisés sur le festival Stars Up. [00:01:39] Speaker B: Tout à fait. Je suis très heureuse d'être avec toi. Merci. Je suis très contente de pouvoir te témoigner sur mon parcours parce que j'espère que par mon parcours, je vais pouvoir aider d'autres petites filles qui doutent d'elle, qui ne savent pas que derrière les études, il y a le spatial qui les attend à bras ouverts et que tout est à leur portée en fait. Les sciences sont à leur portée. Je vais pouvoir te témoigner. Et voilà, donc vraiment merci pour cette invitation. [00:02:07] Speaker A: Avec plaisir, merci d'être avec nous. Et donc toi, en tant qu'employée d'Ariane Group, tu ne fabriques pas la fusée Ariane par contre... [00:02:16] Speaker B: Je travaille actuellement sur un programme de la surveillance de l'espace. [00:02:20] Speaker A: La surveillance de l'espace, qu'est-ce que c'est ça ? [00:02:22] Speaker B: C'est tout simplement, ça vient du fait qu'on lance des fusées. Pour pouvoir lancer des fusées, on est regardant sur ce qui se passe autour de la Terre. on regarde, on observe, on identifie tous les objets qui gravitent autour de la Terre pour connaître précisément ce qui se passe sur les trajectoires des fusées. Et on peut trouver des satellites, potentiellement des débris. Et notre rôle, justement, c'est de regarder, d'observer, d'identifier et d'alerter, tout simplement, s'il y a des situations de collision, par. [00:02:54] Speaker A: Exemple, C'est-à-dire qu'en gros, il y a la fusée décolle, et sur la trajectoire de lancement, si vous voyez qu'il y a un autre objet, donc tu parles de satellites, de débris spatiaux, etc., qui peuvent rentrer en collision avec la fusée pendant le décollage, vous tirez la sonnette d'alarme. [00:03:10] Speaker B: Avant même, je dirais. Avant même, on fait plutôt de la prévention. On regarde, on observe pour avoir une connaissance de la situation spatiale avant lancement. Et ce qui permet effectivement d'éviter tout, en tout cas de réduire le risque de collision. [00:03:29] Speaker A: Et comment ça marche concrètement ? [00:03:31] Speaker B: Alors on a une solution actuellement qui est déployée sur toute la planète à base de télescopes tout simplement, des capteurs optiques, qui ont pour rôle d'observer, d'identifier, de cartographier un peu ce qui se passe autour de l'espace. Et de ça, on fait des analyses précises sur tout ce qui nous entoure. [00:03:52] Speaker A: Vous voyez des extraterrestres avec vos télescopes ? [00:03:55] Speaker B: Non, non, pas encore. [00:03:57] Speaker A: T'as pas le droit de me le. [00:03:57] Speaker B: Dire, c'est ça ? Oui. [00:04:01] Speaker A: Et donc, ça, c'est une responsabilité énorme. T'es une ingénieure spatiale responsable, entre autres, de ce programme, si j'ai bien compris. [00:04:07] Speaker B: Oui, on est plusieurs, en fait, ingénieurs spatials dans ce domaine qui concourent à la surveillance de l'espace chez Ariane Group. Et ce programme est né de fait des lanceurs fusées, tout simplement. [00:04:21] Speaker A: Et l'espace pour toi, c'est quelque chose qui t'a toujours fait rêver, même petite fille. [00:04:26] Speaker B: Pas spécialement, parce que je n'avais pas vraiment de rôle modèle à la maison dans le domaine. Du coup, je ne savais pas vraiment ce que j'allais faire plus tard, étant jeune. Mes parents n'étaient pas du tout dans le spatial. Je n'ai pas grandi du tout dans ce domaine. Par contre, c'est venu par la suite, au travers de mon parcours professionnel. Cette étincelle dans les yeux que j'ai aujourd'hui s'est révélée au travers de mon parcours professionnel chez Ariane Group, notamment. [00:04:53] Speaker A: Et quand t'étais petite, tu voulais faire autre chose alors ? [00:04:56] Speaker B: Je rêvais de faire un site, institutrice, rien à voir. [00:04:59] Speaker A: Tu voulais être un site ? [00:05:00] Speaker B: Ah oui, je voulais être d'enseignement. C'était ça, c'était mon rêve, de transmettre des connaissances à d'autres. Clairement, c'était l'éducation qui m'animait. Mes parents n'ayant pas eu la chance d'aller à l'école, c'était pour moi essentiel de transmettre des choses à d'autres. [00:05:23] Speaker A: Toi, Fatima, t'as grandi en région parisienne, c'est ça ? [00:05:26] Speaker B: Oui, tout à fait. [00:05:27] Speaker A: Et t'as dit que tes parents sont arrivés ? [00:05:30] Speaker B: Ah oui, alors mon père est arrivé du Maroc, dans une vague d'immigration classique dans les années 60, exactement, il sortait de Paris. Et ma mère l'a rejoint à 80, enceinte de moi à l'époque d'ailleurs. Je suis née en France, je suis française. Et du coup, mes parents, en fait, ils n'ont pas eu la chance d'aller à l'école là-bas. Il n'y avait pas d'école dans leur village. Et clairement, cette injustice m'a marquée parce que très tôt, étant jeune, j'ai dû les aider pas mal sur l'administratif. J'ai dû faire des choses que je ne devais peut-être pas faire à mon âge. Ça m'a fait grandir très vite. [00:06:02] Speaker A: Pour planter un peu le décor, tu es donc en région parisienne. Tu es une petite fille, tu habites chez tes parents avec tes cinq frères et sœurs. Et à cette époque-là, tu vas à l'école. Tu es une bonne élève à l'école ? [00:06:14] Speaker B: Oui, oui, visiblement, j'avais des bonnes notes. J'étais très scolaire. [00:06:18] Speaker A: Et toi, tu avais des rêves de carrière ? [00:06:22] Speaker B: Écoute, honnêtement, moi, je rêvais d'une vie indépendante, de vivre ma vie, tout simplement. J'ai grandi dans un contexte culturel pas forcément favorable à la vie indépendante étant jeune femme. Dans mon contexte familial, souvent, en tout cas moi, j'ai eu droit à la proposition d'un mariage arrangé alors que j'étais en cours d'études universitaires typiquement. [00:06:44] Speaker A: C'est-à-dire ? [00:06:46] Speaker B: Typiquement, quand j'ai validé mes diplômes, la première réaction des parents, c'est bon, on va te marier. Ce que je ne voulais absolument pas. Ce n'était pas ce que je voulais. Je voulais continuer mes études. [00:07:03] Speaker A: Concrètement, tu as validé tes diplômes. [00:07:08] Speaker B: Tu avais quel âge ? J'avais 24 ans. [00:07:09] Speaker A: Et tu étais où ? À Paris ? [00:07:12] Speaker B: Oui, tout à fait. En fait, j'ai grandi précisément à la Courneuve, dans le 93. J'ai grandi dans une cité en 93. J'étais scolaire, je sortais peu. Mes parents... avait gardé un peu la mentalité du pays, c'est-à-dire qu'ils avaient une culture très marocaine finalement, moins européenne, je dirais, plus traditionnelle. J'ai grandi vraiment dans un contexte très traditionnel. [00:07:43] Speaker A: Et toi, petite fille à la Courneuve, tu te sentais faire partie de cette culture marocaine ? [00:07:48] Speaker B: Tu étais plutôt européenne ? En fait, ce qui est marrant, c'est que je ne savais pas trop. C'est compliqué, c'est difficile parce que, en tout cas, j'aspirais à une vie, à une vie libre, en fait, à ma propre vie. Et je savais que la clé était l'éducation. La clé était l'école. Je me suis raccrochée à l'école. C'était pour moi salvateur. C'était vraiment ma bouée de sauvetage pour pouvoir prendre ma voie, ma propre voie. [00:08:13] Speaker A: C'était un petit peu ce qui te servait de hobby aussi, l'école, de passe-temps, tu dirais, ou tu avais d'autres... [00:08:21] Speaker B: Alors, quand j'étais jeune, j'en avais pas trop de passe-temps, effectivement. J'ai commencé tardivement, il a fallu que je bouge des murs. Mon père, oui, il avait accepté que je fasse de la danse vers 16 ans, quand j'avais à peine 16 ans, donc il avait accepté, donc j'ai commencé à prendre des cours de danse à 16 ans. J'ai continué depuis, j'étais pas même prof de danse quelques années plus tard. Donc, on va dire, mes parents, ils m'ont jamais fermée à ce que je fasse des choses qui me rendent heureuse. C'était pas ça. Par contre, ils se faisaient rattraper par le code traditionnel du pays, le regard des autres. Et ça, c'était difficile pour eux. Du coup, c'était difficile pour moi à gérer. Et finalement, je le subissais indirectement. [00:09:08] Speaker A: Et tes frères le subessaient de la même manière ? [00:09:11] Speaker B: Non, c'est toujours inégal. Malheureusement, on a toujours... Un garçon, une fille, ce n'est pas pareil que dans les familles. Comme ça, c'est clairement... La fille apporte plus le fardeau, je dirais, que le garçon. C'est rarement... On n'arrange pas des mariages à des garçons, c'est rarement le cas. [00:09:26] Speaker A: Et concrètement, donc, par les mariages arrangés, quand on est adolescence, d'abord, quand on grandit, concrètement, ça se manifeste par plus. [00:09:36] Speaker B: De responsabilités ou Une peur aussi, une peur assez forte vis-à-vis du mariage, tout simplement. Moi, j'avais une antis, je ne voulais pas me marier. Clairement, je ne voulais pas du tout me marier, j'étais contre le mariage. Donc oui, ça fait l'effet inverse. [00:09:55] Speaker A: Tu parles de tes aspirations de liberté quand t'étais enfant. Pour toi, le mariage, ça faisait partie C'était la contrainte qui allait t'empêcher de faire ta vie ? [00:10:05] Speaker B: Ah oui, potentiellement. En tout cas, avec quelqu'un que je ne choisirais pas. [00:10:08] Speaker A: Parce qu'aujourd'hui, tu es mariée. [00:10:09] Speaker B: Oui, alors avec quelqu'un que j'ai choisi. C'est différent. [00:10:12] Speaker A: Et donc, ça se passe comment à ce moment-là, où tes parents décident de te marier ? Tu es où à ce moment-là ? [00:10:18] Speaker B: Alors, il y a eu deux tentatives. Une première fois, effectivement, j'avais mon bac en poche. Je vois débarquer un cousin du pays. Et oui, c'était une période tragique pour moi. Ça a duré trois mois. J'étais vraiment pas bien dans mes chaussures. J'ai même pensé au suicide. J'étais vraiment pas bien. [00:10:39] Speaker A: C'est-à-dire que pour ceux et celles qui nous écoutent qui ne savent pas vraiment comment ça se passe, tu dis il y a un cousin qui arrive et qui s'installe à la maison ? [00:10:46] Speaker B: Oui c'est ça exactement, et qui te colle, qui te suit où tu vas, où que tu ailles. [00:10:51] Speaker A: Et toi tu as 18 ans ? [00:10:52] Speaker B: Oui c'est ça à peine. [00:10:54] Speaker A: Et tu dois dire oui ou non à un moment ? [00:10:58] Speaker B: En fait, moi je disais clairement non, mais on te lave le cerveau, et tu trouveras personne d'autre, mais c'est la bonne personne pour toi, etc. C'est proche de l'arsenal moral quelque part. Heureusement que j'avais une superbe amie à côté qui m'a permis de tenir le cap et de résister. Et j'ai pu résister, et j'ai pu continuer mes études juste par la suite. [00:11:24] Speaker A: Finalement, tu as réussi à convaincre ton environnement que tu voulais continuer à faire ta vie. Qu'est-ce que tu prends comme direction ? [00:11:31] Speaker B: Alors, je décide de continuer mes études dans les sciences. J'adorais les maths, l'informatique, la physique. J'avoue, je pouvais faire aussi les lettres, mais j'ai jeté mon dévolu sur les sciences. Je suis partie à Paris 6, en Pierre et Marie Curie, à l'université. Alors, ce qui était un peu frustrant pour moi, c'était qu'en terminale, effectivement, j'avais déposé des dossiers pour des classes préparatoires. J'avais été admise, j'étais admissible. Sauf que j'étais demandé conseil à des personnes qui avaient fait des écoles d'ingénieurs, des garçons, notamment un que j'avais pour référence, en fait, dans mon environnement familial, entourage, en tout cas. Et sa première réaction a été de me dire, oui, mais de toute façon, t'es une fille, t'as tellement de choses à faire à la maison comme Corvée que t'auras jamais le temps de t'occuper d'aller en classe préparatoire. Et le pire, c'est que je l'ai cru. [00:12:19] Speaker A: Et à ce moment-là, tu l'as cru. [00:12:21] Speaker B: Tu t'es dit c'est un bon conseil. C'est un bon conseil, mais surtout pas. Donc, aux jeunes filles, quand vous avez des avis comme ça, aussi tranchés, en tout cas, faites le tour de plusieurs avis neutres et pas familiaux. Allez chercher un autre avis. Pas forcément familiaux, parce que derrière, c'est clairement le mauvais choix. [00:12:40] Speaker A: Et donc, toi qui étais passé par cette envie de liberté, ce refus du mariage arrangé déjà, quand on t'a dit « ouais mais t'auras trop de tâches ménagères à faire à la maison, tu pourras pas aller en classe prépa », tu l'acceptes à ce moment-là ? [00:12:56] Speaker B: Je l'ai accepté et j'ai fait le pari d'aller à la fac. Alors, je me suis dit bon, c'est le même programme quand elle ne se ferait pas. Et a priori, c'est moins stressant, c'est ce qu'on m'a tous dit plus ou moins, mais sauf qu'on ne m'a pas dit qu'on serait en toute autonomie. Et donc, il faut quand même gérer son autonomie quand on sort du lycée. Ça, c'est aussi une autre épreuve. Donc, ce n'est pas si simple que ça à l'université. Loin de là, loin de ce qu'on peut imaginer, il y a quand même le cocon d'être encadré dans des petits effectifs par des profs. Ce n'est pas du tout le même cadre. Donc, encore une fois, mauvais choix. Mais j'ai persévéré, j'ai fait la fac, j'étais en dogmias. Ce qui était aussi top, c'est qu'en seconde année, en fait, j'avais de bonnes notes et puis on était une petite poignée, j'étais en spécialité mécanique des fluides et des professeurs sont venus nous voir en nous disant, vous êtes sélectionné, en tout cas, vous êtes pris sur dossier pour intégrer l'école normale supérieure de Cachan. [00:13:55] Speaker A: Normal Sub. [00:13:56] Speaker B: Ouais, Normal Sub, d'accord. Et du coup, je sais pas, c'est bien, c'est top, mais je ne savais pas ce que c'était. En fait, bon, je suis une école, ok. Je ne savais pas que c'était si compliqué que ça de y rentrer. [00:14:08] Speaker A: Oui, Normal Sub, c'est l'élite. Ça fait partie des élites. [00:14:12] Speaker B: Et vous savez que le choix que j'ai fait ? Bien sûr ! En fait, moi, c'était... Depuis petite, comme je disais, je voulais enseigner. Je me suis révélée en physique au collège. La physique, c'est ma matière préférée. Et je voulais être prof de physique, du coup. [00:14:26] Speaker A: Et comment ça se fait, ça, d'ailleurs ? Parce que quand on est fort à l'école, quand on est forte à l'école, on a l'embarras du choix des matières à étudier. Les sciences et la physique, c'est pas forcément la première chose qui vient en tête. [00:14:39] Speaker B: Ça vient de l'enseignant que t'as eu. Moi, j'ai eu une enseignante en 5e, fabuleuse, qui m'a fait rêver dans ses cours. Elle m'a captivée dès le premier cours. En 5e ? Ah oui, en 5e, je me souviens. C'était extraordinaire. Une prof qui m'a complètement... Voilà, il suffit d'un message, il suffit vraiment d'un message, comme quoi l'enseignement, c'est vraiment... C'est un savoir-faire extraordinaire. Ça m'a complètement pris. Et je sais que pour être enseignante, en général, la voie classique, c'est, à l'époque, DEUG, licence, puis intégrer l'Institut universitaire de la formation des maîtres, ce qu'on appelle l'IUFM. Donc moi, je pensais qu'il fallait faire ça, tout simplement. Donc du coup, plutôt que d'intégrer le ENF de Cachain, j'ai dit, je vais faire une licence de physique, tout simplement. Et j'avais pas les codes, en fait. J'avais pas l'entourage pour Méguier. Il n'y avait pas Internet à l'époque. Peu d'explications. Les passerelles, moi, je savais pas qu'on avait des passerelles aussi formidables en université. Je pensais pas que c'était une chance si évidente pour moi. [00:15:41] Speaker A: Donc t'es prise un normal sup, mais tu décides finalement non, je vais aller à la fac. [00:15:45] Speaker B: Je vais continuer. Avec le recul, c'est con. C'est vraiment con. [00:15:51] Speaker A: Et tu penses que c'est lié à l'environnement ? [00:15:56] Speaker B: Ah oui, mais c'est clair. C'est évident. Mes parents, ce n'est pas eux qui connaissaient l'ENS. Mes frères, pareil. Ils ne savaient même pas. Ils ne connaissaient pas du tout. On aurait pu dire mes profs, ils ne nous ont pas vraiment expliqué à l'époque. On nous a juste dit, vous êtes pris. Mais oui, mais pour faire quoi ? Qu'est-ce qu'on y fait ? Rien. Non, non, c'est lamentable en termes d'information à l'époque. C'était franchement hubiesque. Aujourd'hui, on est beaucoup plus outillés. Aujourd'hui, on a plus d'infos. C'est clair, ça n'a rien à voir. Je pense que les personnes à ma place aujourd'hui, avec cette chance-là, la saisiront sans douter une seule fois. Moi, je n'ai pas eu cette chance-là, clairement. [00:16:35] Speaker A: Mais tu t'es quand même bien attrapée, effectivement, puisque après, tu es partie... Tu as fait une carrière brillante d'ingénieur. Tu es partie en école d'ingénieur. [00:16:43] Speaker B: C'est ça. Ensuite, en fait, ce que j'ai fait, c'est que j'ai fait ma licence de physique. Et je me suis dit... En tout cas, ma mère me dit... On me dit mais fais ingénieur. J'ai un frère ingénieur à la base, un frère NM. Mais fais ingénieur toi aussi. Je suis sûre que tu pourras enseigner derrière. Elle m'a donné le déclic. Mais oui, mais ce n'est pas idiot ce qu'elle dit, ma mère. De toute façon, ma mère, elle m'a toujours inspirée, ma mère. Elle n'a pas été à l'école. [00:17:05] Speaker A: Ta mère qui voulait te marier à 18 ans, elle t'a aussi encouragée à faire une école d'ingénieur. [00:17:10] Speaker B: Oui, en fait, ma mère, si tu veux, elle est... C'est une personne, en fait, qui vit son rêve, qui a vécu son rêve, en tout cas, d'aller à l'école au travers de mon parcours. Clairement, ça se ressent. Dès que je suis allée à l'école, je revenais, elle me demandait comment ça se passait. Elle ressentait tout. Elle était tout le temps là. Elle m'a remise des diplômes, elle était présente. Non, formidable, formidable. Une maman extraordinaire. Et en fait, à travers À travers elle, clairement, j'avais une mission, c'était de poursuivre mes études et de continuer jusqu'au bout. Donc ça, je m'étais fixée ça comme objectif, clairement, pour, quelque part, la remercier de ce qu'elle a pu m'apporter jusqu'à aujourd'hui, d'ailleurs. C'était un minimum pour moi, un minimum vital. Et puis oui, elle m'a encouragée, effectivement, de continuer pour être ingénieure. Mais je pense que le mariage, en fait, encore une fois, c'est malheureusement... C'est juste parce que c'est traditionnel et ça revient, tout simplement, parce que c'est quelque chose qu'ils ont l'habitude, tout simplement, de subir eux-mêmes. Elles-mêmes, elles subissaient quand elles étaient jeunes. Donc, c'est devenu une normalité. Je ne la blâme pas, en fait. Je ne les blâme pas, mes parents. C'est sociétal, en fait. Par contre, nous, ça nous, notre génération, de transformer les choses et de réparer ce qui est réparable. Et mes enfants, clairement, ils ont le choix de leur mari. [00:18:24] Speaker A: Et donc cette voix intérieure, tu l'écoutes au moment où tu décides d'aller en école d'ingénieur ? [00:18:28] Speaker B: Tout à fait, oui. [00:18:28] Speaker A: Et donc tu l'intègres à quel âge, à peu près ? 22 ans ? [00:18:31] Speaker B: Alors j'ai 22 ans, oui. Non, oui, c'est ça. J'ai fait 3 ans, donc 21 ans exactement. 21 ans, voilà. [00:18:37] Speaker A: Et c'est là que tu as ta première expérience à l'étranger aussi. [00:18:40] Speaker B: Oui, effectivement, oui. Quelle expérience enrichissante à tout point, parce qu'en fait, vous savez, en école d'ingénieur, on fait un stage ouvrier. Et cette année-là... [00:18:52] Speaker A: Un stage ouvrier. Un stage ouvrier, oui. [00:18:53] Speaker B: Un stage destiné à découvrir un peu l'entreprise de manière générale. Globalement, c'est ce qu'on nous suggère. Sauf que moi, j'avais déjà travaillé par le passé pour aider mes parents, etc. Chez France Télécom, oui, j'avais fait des petits boulots. Et faire encore un stage dans une entreprise, non, c'est bon. Par contre, je cherchais un sens à ma vie. Je cherchais vraiment quelque chose qui qui viennent m'aider à me construire. J'avais besoin de me réaliser. Et comme l'éducation et la santé, c'est ces deux axes, en fait, qui m'ont toujours bouleversée de par mon histoire, j'avais besoin de me réaliser dans une action humanitaire. Mon dévolu s'est jeté sur une action humanitaire au Burkina Faso, le pays des hommes libres. [00:19:43] Speaker A: Les hommes intègres ? [00:19:47] Speaker B: Ah oui, effectivement, le pays des hommes intègres. [00:19:50] Speaker A: La liberté, pour toi, c'est quelque chose de très important, non ? [00:19:53] Speaker B: Visiblement, oui. Et du coup, je demande à l'époque à mon directeur d'école d'ingénieur si je pouvais faire une action à mes ministères plutôt qu'un stage ouvrier classique. Il me dit c'est une première. Écoute, feu vert, je comprends ta demande. Je viens moi-même du monde ouvrier. Je ne peux que cautionner. Vas-y. [00:20:12] Speaker A: Ça t'a transformée, cette expérience ? [00:20:15] Speaker B: Ah oui, je la recommande. C'est... Sincèrement, c'est un bouleversement émotionnel intense. On se remet en cause. On est vraiment dans le partage, dans l'humain. Moi, mon rôle était de réparer des écoles, d'élaborer dans un village sangodin, pas loin de la capitale, à Ouagadougou. Et le matin, on avait des ateliers, on étalait les mains dans le ciment. [00:20:41] Speaker A: Ça, c'est un vrai stage ouvrier, pour le coup. [00:20:43] Speaker B: Ah oui, pour le coup, oui. On prend comme ça, effectivement, ça accroche les cases. Et l'après-midi, je m'en souviens, j'avais improvisé des cours auprès des enfants dans le village. C'était l'été, il n'y avait pas d'école. Mais je m'ennuyais, donc je me suis dit, bon, je vais lancer des ateliers. Et au départ, il y avait une poignée d'enfants qui venaient à ces cours, puis au bout de quelques jours, bouche à oreille, il y avait vraiment une quarantaine d'enfants qui venaient. Tu donnais des cours de français, mathématiques, on improvisait, on faisait du théâtre, on faisait pas mal de choses. Et c'était juste extraordinaire. C'est-à-dire que les enfants qui venaient à ces cours, au bout de quelques jours, venaient avant même que je n'arrive pour ouvrir les fenêtres, préparer la classe. Et quand je rentrais sur le seuil de la porte, ils se mettaient tous debout à m'attendre. C'était ça, c'était royal. [00:21:33] Speaker A: Et tu donnais tes cours ensuite ? [00:21:34] Speaker B: Ouais, c'était juste extraordinaire. [00:21:36] Speaker A: Et c'est quelque chose qui t'a nourrie ensuite dans ta carrière d'ingénieur spatial aussi ? [00:21:40] Speaker B: Oui, clairement, parce que moi, ça m'a révélée, ça m'a transformée, ça m'a donné une énergie telle que j'ai enfin compris que j'avais quelque chose à mener dans ma vie professionnelle, personnelle, j'avais quelque chose à faire. Et ma mission, à l'issue de ce stage, était en retour, bien sûr, en France, de poursuivre cette sensibilisation auprès des enfants sur les conditions d'école, la chance qu'ils ont en France, finalement, d'étudier dans de telles conditions par rapport à ce qu'on a en Afrique. Et moi, j'ai compris très vite la chance que j'avais d'être en France, étudiant scolarité en France. Clairement, quand on pense à Nelson Mandela et sa Maxime et ma Maxime favorite, que l'éducation est l'âme la plus puissante pour changer le monde. Clairement, oui, je peux en témoigner parce que je sais d'où je viens, je sais où je suis. Et si je suis ici, je brille aujourd'hui, je me sens briller dans le spatial. Ce n'est pas par hasard, c'est parce que j'ai un parcours que j'estime hors du commun et que je souhaite partager et témoigner ici même avec toi, Jules. [00:22:51] Speaker A: Donc toi, tu as 22 ans à l'époque, tu rentres du Burkina en France et tu crées une association en parallèle de tes études d'ingénieur. [00:23:00] Speaker B: Tout à fait. Exactement. Et cette association, en fait, Alors pareil, on monte un dossier. Et j'avais un rêve, en fait, depuis petite, comme je l'avais raconté au début. Dans le village de mes parents, il n'y a jamais eu d'école. Et je l'ai vécu comme une injustice, clairement. Et j'ai toujours voulu réparer cette injustice par un moyen. Je m'étais renseignée auprès de l'éducation marocaine, bien sûr, à l'époque, pour voir ce qu'il était possible de faire, mais ce n'était pas dans la carte prioritaire des écoles publiques. Il n'allait rien se passer, clairement. J'ai pris mon bâton pèlerin, j'ai créé mon ASOS. On a monté un dossier, on a eu don d'un terrain par les villageois, on a eu le permis de construire. J'ai collecté les fonds et on a construit l'école en deux mois et demi. Ça a permis l'ouverture dans la foulée en septembre 2005, avec une centaine d'enfants scolarisés annuellement aujourd'hui. Et ça a été formidable. [00:24:01] Speaker A: Et aujourd'hui, ça veut dire que grâce à toi, grâce à cette association, il y a dans le village de tes parents qui sont, il est très, finalement, une école. [00:24:09] Speaker B: Oui, tout à fait. Oui, tout à fait. Et j'en suis très fière parce que c'est une réalisation personnelle, quelque part. Une réparation d'une injustice et éviter finalement d'autres enfants de subir ce que mes parents ont vécu, tout simplement. Si je pouvais, c'était le minimum que je pouvais apporter quelque part dans ce village. [00:24:31] Speaker A: Donc tu es en France, tu fais des tas de choses au Maroc, tu as construit une école, ok, très bien. Tu continues tes études d'ingénieur. Et à ce moment-là, tu vas finir tes études et puis ensuite commencer une carrière. [00:24:45] Speaker B: En fait, après, j'ai enchaîné avec ma deuxième année d'école, puis un autre stage. Et là, pour le coup, je décide d'aller dans un laboratoire de physiciens, le CERN, le Centre Européen de Recherche Nucléaire. Une fabuleuse expérience. [00:25:02] Speaker A: Donc le CERN, pour ceux qui ne savent pas, c'est ce grand institut à Genève, en Suisse, qui a cet accélérateur de particules énorme aussi. et où les chercheurs tentent de percer les mystères de l'univers. [00:25:17] Speaker B: Globalement, cette expérience, pour moi, elle a été extraordinaire parce que je suis passée du monde, quelque part, de la Courneuve, de la cité, au monde de Genève. Et il y avait vraiment une nouvelle découverte, d'un nouvel environnement, d'un nouveau pays qui, pour le coup, était inconnu jusqu'à présent dans ma vie de jeune fille. Et encore une fois, grâce aux études, l'école est vraiment un ascenseur, je pense, social, évident. Et j'encourage les jeunes filles à s'accrocher à l'école pour changer leur vie, si elles le souhaitent. [00:25:58] Speaker A: Et donc là, tu es au CERN, à Genève, dans un environnement que j'imagine très international aussi. Tu as 23, 24 ans. Ça y est, t'es émancipée dans cet environnement stimulant aussi. Pour toi, la vie commence. La vie que tu voulais avoir quand t'étais petite, elle commence. [00:26:14] Speaker B: Oui, tout à fait. Oui, tout à fait. J'étais très, très bien. J'ai un poisson dans l'eau, je dirais. Au point où on m'a proposé de revenir l'année suivante pour y dérouler une thèse. J'étais très contente. C'était très positif. Néanmoins, je dirais que les contraintes familiales me rattrapent et c'était clairement hors de question pour mes parents de me voir repartir. Ils avaient peur de me perdre. Ils voulaient que je reste encore avec eux. dans leur giron. Et du coup, il a fallu que je cherche un nouveau stage en région parisienne. Et c'est ainsi que j'ai intégré le centre de recherche d'Airbus en stage. Et j'ai été recrutée chez Airbus en 2004 précisément. [00:27:07] Speaker A: Et c'était finalement le début de ta carrière spatiale. [00:27:10] Speaker B: Oui. [00:27:10] Speaker A: Et à ce moment-là, l'idée du mariage, tes parents avaient abandonné. Là, ça y est, ils t'avaient récupéré en région parisienne. [00:27:18] Speaker B: Non, non, ils ont toujours ça dans leur tête. Tant que ce n'est pas fait, ça, ça revient tout le temps. Non, non, c'est en permanence, en fait. Je ne le dis pas, mais oui, c'est quelque chose qui vient en permanence. C'est des discours qui viennent sur la table régulièrement. Après, avec des pressions parfois beaucoup plus fortes, comme ce fut le cas quand j'avais eu mon bac. Il y a des moments, parfois, comme ça. Mais non, non, c'est malheureusement, c'est quelque chose qui te poursuit. T'es une fille, c'est comme ça. [00:27:48] Speaker A: Comment tu t'en es sortie finalement, toute seule ? [00:27:51] Speaker B: Oui, j'ai décidé de partir, tout simplement, de sortir, de prendre un appartement et j'ai pris mon indépendance contre le gré de tout le monde. Ma mère m'a compris, elle m'a laissée partir, mais c'est vrai qu'elle n'était pas contente. [00:28:06] Speaker A: Je suis partie. Et quand on commence une carrière d'ingénieur, a fortiori dans l'aérospatiale, qu'on a des ambitions aussi de vie libre, de carrière brillante. d'avoir ces contraintes qui peuvent être culturelles ou familiales, c'est pas mal d'embûches en plus. [00:28:28] Speaker B: C'est un vrai poids. C'est un vrai poids, clairement, on a l'impression de toi. On n'est pas aidé. Oui, on n'est pas aidé, clairement. Oui, oui. Moi, je me battais pour aller à la bibliothèque, pour étudier. Tu te battais ? Ah oui, c'est pour moi aussi. [00:28:37] Speaker A: C'est-à-dire qu'il y avait des videurs en face de la bibliothèque et tu te battais contre eux ? [00:28:41] Speaker B: C'est des némis. Ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais sortir étudier à la bibliothèque. C'était du luxe. Leur demander, c'est comme si j'allais dans une discothèque. C'était un peu bizarre. C'est compliqué de se faire comprendre alors qu'on a juste envie d'apprendre sur des choses très simples et mentales. Mais c'est deux mondes. tant bien que mal, ils ont fini par lâcher, et heureusement, j'ai pu vivre ma vie sereinement plus tard. Mais c'est vrai que ça n'aide pas, ça n'aide absolument pas à s'accomplir sereinement dans sa vie. Oui, c'est sûr. [00:29:13] Speaker A: Et le spatial pour toi, donc on a compris à peu près d'où vient ta passion pour la physique. Tu nous as parlé de ton enseignante de 5e. Oui, c'est ça. Et le spatial, donc c'est arrivé dans ta vie par stage chez Airbus, c'est ça ? [00:29:28] Speaker B: Le spatial est arrivé un peu plus tard. Airbus, c'était plutôt l'avionique. J'étais plutôt sur des programmes type avions électriques ou de la recherche. Et en fait, Ariane Group est venue un peu plus tard via une mobilité interne. C'est en 2017. Grosso modo, il y avait un plan social sur le centre de recherche à Suresnes et bon, il fallait changer de job. Et j'avais trouvé deux, trois postes sur certaines filiales à l'époque de l'entreprise. Et j'ai jeté mon dévolu sur Ariane Group. Parce que c'est vraiment l'entreprise, pour moi, qui permet de travailler sur des programmes long terme. Et ça, pour moi, c'était... [00:30:15] Speaker A: Pour toi, c'était important d'avoir quelque chose sur le long terme. [00:30:18] Speaker B: Oui, une vision, quelque chose de... Et c'est concret. Et Ariane 6 arrivait. Et mon Dieu, Ariel Group, John Voiture, Arabis Safran, il y a tellement de choses à faire. C'était, pour moi, très excitant. Oui, c'est ouf. C'est ma voix. [00:30:33] Speaker A: Et ça, c'était avant d'arriver. Aujourd'hui, pour toi, de travailler dans le spatial, qu'est-ce que ça a de spécial, de particulier, de si unique ? [00:30:44] Speaker B: Alors moi, c'est un domaine extraordinaire, en fait, je dirais. J'ai vraiment une chance fabuleuse de travailler dans le domaine dans lequel je suis. Il y a énormément de nouveautés. Ça évolue tout le temps. Le spatial, c'est quelque chose qu'on a dans notre vie quotidienne, au travers de plein d'applications. GPS, météo, smartphone, c'est quelque chose dont on ne peut plus se passer aujourd'hui. C'est quelque chose de très concret, comme la physique. C'est quelque chose aussi qui est encore exploré, il y a énormément encore de mystères dans le spatial. Donc on apprend tous les jours. Et moi, un job où justement il y a cette notion de j'apprends tous les jours, je ne m'ennuie pas, c'est moi, c'est capital, c'est clé. Ça, j'adore. Ça, j'adore. Ça, j'adore. Et puis, mes enfants, ça les fait rêver. Le spatial, ça fait rêver énormément de monde. Quand je fais des interventions, les étoiles dans les yeux, c'est quelque chose que je vois dans les festivals, dans plein d'événements dans lesquels je m'intègre. On le voit dans les films. C'est quelque chose qui occupe la scène et qui intéresse énormément. C'est fabuleux. Le spatial, c'est vraiment fabuleux. [00:32:04] Speaker A: Je suis heureux de l'entendre dire. Le spatial, c'est fabuleux. Je trouve aussi que ça l'est. Si on me proposait de travailler dans un autre domaine, tu dirais quoi ? [00:32:16] Speaker B: Non. [00:32:16] Speaker A: Pas de négociation. [00:32:17] Speaker B: Non, je t'assure. Non, parce que je m'épanouis vraiment dans ce job. Je peux enseigner à côté. Ce n'est pas incompatible. Je le fais déjà. Donc ça, c'est quelque chose de crucial dans ma carrière professionnelle et je le fais. Non, non, c'est place to be. Je suis bien là où je suis. Pour le moment, je changerai d'environnement. C'est trop bien. [00:32:45] Speaker A: Et tout à l'heure tu m'as parlé de confiance en soi. Et tu m'as dit que t'avais parfois l'impression de manquer un peu de confiance en toi. C'est quelque chose qui te vient aussi, tu penses, naturellement ? Ou alors est-ce que ça vient de ton parcours un peu semé d'embûches comme ça ? [00:33:02] Speaker B: Ah oui, non, ça vient de l'éducation, clairement. Mon éducation, c'était... En gros, j'étais dans l'ombre. J'ai grandi, voilà, j'étudiais, je rentrais chez moi, j'étudiais, je rangeais, je nettoyais. Voilà, c'était mon quotidien. J'ai apparemment beaucoup d'autres activités. Je recevais peu de copines, c'était compliqué. Et quand on grandit dans l'ombre, c'est compliqué de grandir dans la lumière plus tard, de se dévoiler, de se mettre sur scène. [00:33:32] Speaker A: Aujourd'hui, je te vois, tu es encore une fois quelqu'un de tout à fait épanoui, qui rayonne. Tu es peut-être pas dans la lumière, mais en tout cas, tu es. [00:33:42] Speaker B: C'est gentil. Mais il a fallu un vrai travail sur moi. Ce n'est pas venu naturellement. Il y a des clés, il y a des clés. Moi, j'étais passionnée de chant, parce que quand on est dans sa chambre, ce qui nous reste, c'est Je chantais, tout simplement. C'est comme ça que je chantais. Et petit à petit, dès que j'avais l'occasion de faire quelque chose de ce que je savais faire, je le faisais. Et au lycée, j'avais créé un club chant. Voilà, parce que c'était une manière de concrétiser ce que j'avais appris à faire toute seule. Et ce club chant, ça donnait des concerts à la fin de l'année dans le lycée. et c'est des super souvenirs. Pareil pour la danse, j'ai eu la chance à 16 ans de prendre des cours de danse et tout de suite, je me suis accrochée à ça jusqu'à enseigner. Et clairement, le côté artistique, en tout cas les arts, l'écrit aussi. J'adore écrire, j'écris beaucoup des poèmes, des textes. J'essaie d'écrire des livres. [00:34:41] Speaker A: Et ça, c'est ce qui t'a donné un petit peu ce surplus de confiance en toi. [00:34:45] Speaker B: C'est ça qui m'a réconciliée, finalement, c'est un peu la pommade que j'avais sur mes cicatrices, effectivement. Donc, petit à petit, cette mise en lumière que j'essayais de faire par-ci et par-là a apporté ses fruits, même si aujourd'hui, je ne suis pas forcément la plus à l'aise sur scène, etc. J'aime bien être, encore une fois, dans l'ombre plus que dans la lumière. Je suis moins, je me sens moins, comment dire, moins timide ou je me sens plus à l'aise que par le passé, c'est sûr. C'est sûr. [00:35:23] Speaker A: Tu parlais de transmission, quand on a commencé à parler, on parlait de transmission, d'éducation. Aujourd'hui, c'est quelque chose que tu arrives à réaliser par ta carrière ou en dehors ? [00:35:35] Speaker B: Oui, tout à fait. En fait, moi, je te rappelle, ma maman m'avait dit, oui, en école d'ingénieur, de toute façon, tu pourras enseigner. Et bien, bingo, j'ai décroché mon diplôme, j'ai bossé chez Airbus. Et au sein de recherche, il y avait des gens qui intervenaient dans les écoles d'ingénieurs ou dans des facs. Je me demandais si je pouvais faire pareil. Je suis partie enseigner dans mon ancienne école d'ingénieurs. J'ai fait ça plusieurs années et je continue aujourd'hui. J'ai un groupe, donc j'interviens dans mon ancienne école d'ingénieurs. J'ai cette chance-là. Donc, je transmets ce que je peux auprès des jeunes. Je fais des sensibilisations aussi auprès des plus jeunes dans les écoles primaires. Je profite de la semaine de l'espace aussi pour porter ma voix auprès des jeunes filles notamment. Avec des ateliers sur la fusée Ariane 6. C'est super et c'est très enrichissant. Oui, je continue. J'essaye de donner toujours un peu. Oui, tout à fait. [00:36:29] Speaker A: Oui, dès qu'on est dans l'échange, dans le partage, c'est ce qui... Ça m'anime. Oui, c'est quelque chose qui rend vraiment heureux. Aujourd'hui, tu as trois enfants, Fatima, c'est ça ? [00:36:38] Speaker B: Oui, j'ai trois enfants. [00:36:39] Speaker A: Tu as des garçons et une fille ? [00:36:41] Speaker B: Garçons, filles, garçons, exactement. [00:36:42] Speaker A: Garçons, filles, garçons. Et tu... Tu es avec eux. Comment ? Différemment avec la fille ? [00:36:51] Speaker B: Non, c'est de manière totalement égale. Il n'y a pas de plus et de moins. Ils jouent du piano tous les trois. Ils ont des bastons tous les trois. Ils ont vraiment, j'essaie, un petit égalité. Il n'y a pas de favoritisme entre garçons et filles. [00:37:06] Speaker A: Pour toi, c'est quelque chose d'important, justement, de casser les codes que tu as connus dans ton enfance. [00:37:10] Speaker B: Mais complètement, mais complètement. La société, malheureusement, elle a encore du retard et du chemin là-dedans, même en France. On a encore trop de stéréotypes, trop de clichés sur les femmes en général. Jeunes et jolies, mais incompétentes. Il y a tellement de, malheureusement, de clichés qui existent encore en entreprise ou ailleurs. Donc, il faut se serrer les coudes entre femmes, il faut témoigner, sensibiliser les jeunes filles. Tout est accessible, les séances sont accessibles. Marie Curie, une grande scientifique, l'a prouvé par ses recherches formidables. Non, non, il faut y croire et puis écouter sa voix intérieure en premier, avant d'écouter celle des autres. [00:37:52] Speaker A: Alors Fatima, comme c'est une émission sur l'espace quand même, un petit tour de questions rapides maintenant sur l'espace. Ma première question c'est, quel est ton livre spatial préféré ? [00:38:04] Speaker B: Alors, il y a la BD de Marion Montaigne sur la combi de Thomas Pesquet. [00:38:10] Speaker A: Dans la combi de Thomas Pesquet, de Marion Montaigne. Je suis dans la BD, je te signale. [00:38:15] Speaker B: Oui, je ne me rappelle plus très bien. [00:38:17] Speaker A: Je suis dans la BD. Pas beaucoup, mais un petit peu. [00:38:21] Speaker B: Je regarderai de manière plus précise next time. Du coup, cette BD, j'aime pas mal parce que ça décrit de manière assez ludique, tout simplement. l'aventure de Thomas Pesquet vers la Station Spatiale Internationale. Et avec mes enfants, on se fait un plaisir de la regarder, de la lire. C'est vraiment tourné. En fait, ce genre de BD, je trouve ça formidable pour vulgariser les sciences, tout simplement, près des plus jeunes. Je trouve que c'est un bon vecteur de communication. [00:38:49] Speaker A: Et Marion Montaigne, il a un talent fou, un humour décapant. Et tout est vrai dans la BD, je te signale. Tout est vrai. Thomas, lui-même, s'est beaucoup impliqué. Tout est vrai. Deuxième question, ton film spatial préféré ? [00:39:04] Speaker B: Alors moi, je citerai la saga Star Wars, parce qu'en fait, ça fait du temps que tout le monde connaît ces science-fiction. Ça m'a un peu bercée quand j'étais plus jeune. C'est ce que je regardais avec mes frères, notamment. Et aujourd'hui, dans le monde du spatial, il y a toujours une résonance très forte entre Star Wars et ce qu'on fait. Au point, on a des salles de réunion qui portent le nom de personnages clés, style Chewbacca, etc. Star Wars, pour moi, c'est quelque chose que mes enfants ont regardé. C'est quelque chose d'indémodable. [00:39:40] Speaker A: C'est un truc transgénérationnel, finalement, pour ceux qui s'intéressent. [00:39:43] Speaker B: Qui est toujours là et qui continuera, je pense, encore des années. [00:39:46] Speaker A: Quelle est la chose la plus précieuse que tu as prise au cours de ta vie professionnelle dans le spatial ? [00:39:54] Speaker B: Un peu ce que je disais un peu avant, c'est qu'on apprend tout le temps des choses, on ne se lasse pas de faire des activités dans le spatial. Il y a toujours des nouveautés, il y a toujours de l'innovation, et ça c'est super. [00:40:14] Speaker A: Quel conseil donnerais-tu à une jeune fille qui voudrait se lancer dans une carrière spatiale aujourd'hui ? [00:40:21] Speaker B: Je dirais d'y croire, déjà. Si elle veut le faire, c'est qu'elle peut le faire. Si elle rêve de le faire, c'est qu'elle peut le faire. Et de faire tout pour y arriver, parce qu'encore une fois, on a des femmes dans le spatial et ce n'est pas du tout incompatible, une fille spatiale. Non, au contraire, on a besoin de femmes et il faut des femmes. Donc, de croire en ses rêves, d'écouter sa voix antérieure, de bien s'entourer à un entourage neutre, de prendre plusieurs conseils avant de prendre une décision. et puis de suivre sa voie jusqu'à l'amener vers l'espace, tout simplement. [00:40:56] Speaker A: Est-ce que tu connais la question « moins plus » ? La question « moins plus », c'est qu'est-ce que tu voudrais faire moins dans ta vie, aujourd'hui, et qu'est-ce que tu voudrais faire plus ? [00:41:07] Speaker B: Alors, j'irais faire plus déjà. Faire plus d'interventions dans les écoles de sensibilisation, ça c'est sûr. Faire moins, c'est une question très difficile. [00:41:20] Speaker A: C'est une question que tu ne t'es jamais posée, clairement. [00:41:22] Speaker B: Oui. [00:41:22] Speaker A: Puisque, comme tu l'as expliqué, tu fais toujours plus, plus, plus. [00:41:25] Speaker B: Oui, je ne saurais pas répondre, c'est comme ça. [00:41:28] Speaker A: Donc juste faire plus. [00:41:30] Speaker B: Oui, tout à fait. [00:41:31] Speaker A: Fatima, merci beaucoup d'avoir passé ce temps avec nous. Merci beaucoup, surtout, de faire partie de celles qui, sur Terre, tous les jours, font l'espace. [00:41:41] Speaker B: Merci à toi, Jules. Merci. [00:41:46] Speaker A: Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode de Elles font l'espace, réalisé par François Bonnet, avec une musique originale de Jan Pham Huu Tri, Cyril Nobillet et encore François Bonnet. Si vous avez aimé, n'hésitez pas à le partager et à nous mettre plein d'étoiles. Nous, on se retrouve très vite sur vos plateformes préférées pour un nouvel épisode de « Elles font l'espace ».

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